Salvatore Basile : Petits miracles au bureau des objets trouvés
Petits miracles au bureau des objets trouvés de Salvatore Basile 3,75/5 (28-03-2019)
Petits miracles au bureau des objets trouvés (368 pages) est sorti le 4 mai 2017 aux Editions Denoël, puis en format poche le 21 mars 2019 chez Folio (traduction : Anaïs Bouteille-Bokobza)
L’histoire (éditeur) :
Poupées, sacs à main, carnets, téléphones, lunettes… On ne s’intéresse jamais aux objets trouvés. Pourtant, ils ont appartenu à quelqu'un, ils ont été choisis, aimés. Dans une petite gare italienne, un homme les collectionne avec dévotion. Ce sont ses seuls amis, croit-il. Jusqu’au jour où il trouve un cahier rouge abandonné…
Mon avis :
« Il eut la désagréable sensation de se voir adulte. Comme si les vingt-quatre dernières heures avaient effacé de son expression les traces de l’enfant abandonné. Il comprit qu’en restant chez lui, enfermé dans la gare, et en s’obligeant au rite méthodique du renoncement à l’imprévu, il avait cristallisé sa croissance. Il n’avait pas vu le temps passer, jusqu’à son départ. Durant toutes ces années, d’enfant de sept ans à homme de trente ans, son aspect extérieur avait changé, mais son âme était restée intacte, comme un objet perdu mais à l’abri des intempéries. Mais là il récupérait le temps perdu et, dans son regard qui se reflétait dans le miroir, il avait peur de ne plus se reconnaître. » Page 180
Michele Airone, 7 ans, voit sa mère glisser son cahier rouge dans une valise et monter dans le train tandis que son père, chef de gare, siffle le départ.
Gare de Miniera di Mare, Michele, la trentaine, est aujourd’hui cheminot (comme son père, décédé il y a 11 ans l’était avant lui), solitaire, savourant ce moment si particulier lorsqu’il inspecte une dernière fois les wagons silencieux en quête d’objets perdus qu’il rapporte chez lui, dans la petite maison qui donne sur le quai de la gare ferroviaire, comblant ainsi le vide de sa vie.
« Il avait organisé sa vie autour des horaires de la gare dont il était le gardien. Une vie liée aux départs et aux retours de l’interrégional, qui quittait chaque jour la gare de Miniera di Mare à 7h15 en direction de Piana Aquilana (….).
Michel le regardait partir dans la lumière du matin pour l’accueillir ensuite au crépuscule, l’été, ou dans le noir, l’hiver. Puis il en prenait soin.et tout cela lui procurait un sentiment de sécurité. » (Page 20)
Mais ce soir, sa routine est interrompue par l’arrivée d’une jeune fille : Elena, 25 ans, une habituée du train (siège 24 voiture 3) qui fait irruption dans son bureau des objets trouvés.
Désarçonné par la présence de cette petite bavarde, Michele, peu habitué aux relations humaines, ne sait pas trop comment réagir lorsque celle-ci venue récupérer une poupée oubliée dans le train, s’incruste dans sa maison et dans sa vie, réveillant autant d’anciens souvenirs que de nouvelles émotions.
« Michele eut une sorte de vertige. Il abandonna ses mains dans celle d’Elena, tandis que le souvenir arrivait, tout droit sorti d’un soir de mai de tant d’années auparavant. (…)
Il céda en espérant qu’Elena s’en aille le plus vite possible. Avant qu’il puisse commencer à espérer qu’elle revienne. Parce que personne ne revient, même s’il l’a promis. Surtout s’il l’a promis. » (Pager 30-31)
Le lendemain, le jeune homme tombe à nouveau sur Elena mais aussi sur un nouvel objet… Deux rencontres qui vont à jamais changer le cours de sa vie… il est temps de s’ouvrir au monde, renouer avec son passer pour enfin se lancer dans l’avenir.
Petits miracles au bureau des objets trouvés est de ces livres doudou qui, en plus de vous faire passer un bon moment de lecture, vous apaise et vous réconforte.
Salvatore Basile impose naturellement des réflexions sur les émotions, les sentiments, l’amour, l’absence…
« Tu sais ce que c’est la timidité ? J’ai lu dans une revue que ce n’est pas la peur de faire mauvaise figure, c’est-à-dire en fait que ce n’est pas la peur de perdre. Tu ne vas pas y croire mais il y avait écrit que la timidité est la peur de gagner. C’est fou, non ? Sur le moment je me suis dit que c’était absurde, mais en y repensant je crois ça pourrait être vrai. Si on y réfléchit bien, Michele, quand on est triste…cette tristesse est toute à nous. C’est comme…comme une carapace, je ne sais pas si je suis claire. On la garde sur nous et on espère que tôt ou tard quelqu’un nous la retirera. En fait, on a hâte de s’en libérer. En revanche… En revanche quand on est heureux on a peur du contraire. Parce qu’on ne peut pas endosser le bonheur comme une carapace. On ne peut pas attraper le bonheur comme la tristesse. Et donc on sait qu’on peut le perdre d’un moment à l’autre. Voilà, répéta-t-elle en scandant les mots : le bonheur fait peur parce qu’on peut le perdre d’un moment à l’autre. Pourquoi je te disais ça ? Ah, oui… parce que, donc, les timides ont juste peur d’être heureux. » Page 78-79
Il laisse le lecteur s’interroger sur la confiance que l’on peut ou doit accorder en l’avenir, au destin et en la vie tout simplement…ou pas. A ce titre, c’est un récit qui fait parfois les montagnes russes avec les émotions qui vous donne quelques coups à l’estomac, qui vous met des papillons dans le ventre (submergé par les joies intenses et les bouffées d’espoir que vit Michele.
« Quelque chose, à l’intérieur de lui, s’était effrité comme un château de sable au bord de la mer : la sensation de réussir à prendre sa vie en main après l’avoir crainte et éloignée pendant des années. » (Page 171)
Petits miracles au bureau des objets trouvés est un beau livre qui va bien au-delà de son intrigue, que l’on suit d’ailleurs avec tendresse. C’est un livre humain, généreux, un récit chargé de souvenirs qui place la résurgence du passé (ce qui nous forge) et l’apprentissage de la confiance (en soi en l’autre) comme piliers.
« Ce que Michele avait compris, c’est que, quelle que soit l’explication, bonne ou mauvaise, d’un événement ou d’une action, ce qui comptait vraiment était le résultat final. En outre, il savait maintenant que ce résultat est toujours incertain, jusqu’à la dernière respiration. Et qu’en ce qui nous concerne ce sont nos actions qui décident, pas celles des autres, même si on a parfois l’impression que c’est le contraire. » Page 375
J’ai particulièrement aimé la connivence entre les deux protagonistes, leur relation naissante touchante, presque magique, sans jamais la trouver surfaite, téléphonée ou mielleuse.
Le tout est transmis dans un style doux et délicat. L’auteur, même dans une simple description, arrive à extraire l’intensité du moment et surtout exprimer beaucoup plus grâce notamment aux métaphores filées, comme cette lune dont le reflet disparaît rappelant la douleur de l’absence à Michele.
En, bref : un roman optimiste parfait pour les vacances qui approchent.
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