Nina Bouraoui : Tous les hommes désirent naturellement savoir
Tous les hommes désirent naturellement savoir de Nina Bouraoui 3,5/5 (30-08-2018)
Tous les hommes désirent naturellement savoir (265 pages) est sorti le 22 août 2018 aux Editions JC Lattès.
L'histoire (éditeur) :
Tous les hommes désirent naturellement savoir est l’histoire des nuits de ma jeunesse, de ses errances, de ses alliances et de ses déchirements.
C’est l’histoire de mon désir qui est devenu une identité et un combat.
J’avais dix-huit ans. J’étais une flèche lancée vers sa cible, que nul ne pouvait faire dévier de sa trajectoire. J’avais la fièvre.
Quatre fois par semaine, je me rendais au Kat, un club réservé aux femmes, rue du Vieux-Colombier. Deux cœurs battaient alors, le mien et celui des années quatre-vingt.
Je cherchais l’amour. J’y ai appris la violence et la soumission.
Cette violence me reliait au pays de mon enfance et de mon adolescence, l’Algérie, ainsi qu’à sa poésie, à sa nature, sauvage, vierge, brutale.
Ce livre est l’espace, sans limite, de ces deux territoires.
Mon avis :
Nina Bouraoui affirme délicatement son homosexualité, non pas qu’elle ait besoin de la déclarer mais tend simplement à montrer sa nature. A la recherche de son passé, elle le décortique ici (et dans la même logique celui de ses parents : de sa mère, blonde aux yeux bleus mariée un jeune algérien musulman rencontré en France et qu’elle a choisi de suivre en Algérie où Nina Bouraoui passe une belle enfance).
Même si l’idée de son homosexualité (et le sentiment rattaché à cet état) est déjà présent, c’est à la majorité qu’elle affirme sa nature dans le club réservé aux filles où tout le monde (quel que soit l’âge, la classe sociale, le milieu professionnel) se mélange.
Tous les hommes désirent naturellement savoir est son histoire et celle de ses parents. Par l’alternance de différents chapitres (Devenir, Savoir, Se souvenir et Etre) elle effectue, à la manière d’un archéologue, un travail de fouille sur elle-même (il est ici question de beaucoup d’introspection). Dans un style assez particulier, qui donne l’impression de froideur, de détachement (malgré l’utilisation du Je et de nombreux témoignages de sentiments et sensations), l’auteure nous conte son cheminement de son enfance, plutôt belle entre deux cultures, malgré un contexte instable où la tension est plus que palpable, à une affirmation de soi et de sa sexualité.
« Ma peine ne doit pas me ralentir. J’ai quatorze ans et je brûle mon passé. » Page 46
« La France c’est le vêtement que je porte, l’Algérie c’est ma peau livrée au soleil et aux rafales des ouragans. » Page 56
Même si j’ai été un peu désarçonnée au début par ces très courts chapitres qui n’ont (à première vue) pas de fil conducteur, bribes de souvenirs décousues et par cette écriture « hachée », j’ai très rapidement pris plaisir à découvrir Nina Bouraoui et su apprécier sa plume qui se révèle finalement poétique et pleine de charme.
Elle se livre avec beaucoup d’authenticité, pudeur et sensibilité. Son récit est intime et sincère, tout en abordant des réflexions universelles liées à la nature, l’écriture, l’identité.
« Elle ignore si ses sœurs sont comme elle, sans passé, dans l’instant, la vie, ou dans le déni, cela dépend depuis quel angle on se place pour raconter l’enfance.
Nous sommes les parents de nos oublis et de nos mensonges. » Page 253
« Je suis toujours la même et pourtant différente parce que je m’abandonne à l’emprise du rêve éveillé, je désire maintenant et je suis désirée, je suis sans passé, sans avenir et sans témoin, je pourrais disparaître entre ses mains et pourtant je renais. » Page 256
Même si j’ai au final beaucoup apprécié la lecture, j’ai peur toutefois de malheureusement trop vite l’oublier, gardant uniquement en mémoire le récit d’une affirmation identitaire et l’obligation de se battre pour y exister.
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