Erica Bauermeister : Le Goût des souvenirs
Le Goût des souvenirs d’ Erica Bauermeister 3,5/5 (15-01-2014)
Le Goût des souvenirs (272 pages) est paru le 16 janvier 2014 aux Editions Charleston.
L’histoire (éditeur) :
Lillian et son restaurant ont une manière tout à fait singulière de rassembler les gens. Il y a tout d’abord Al, le comptable, qui voit une signification dans les chiffres et les rituels ; Chloé, un futur chef prometteur qui a perdu toute confiance en l'autre après un chagrin d’amour ; Finnegan, aussi discret et solide qu’un arbre, et qui peut se fondre dans le décor malgré sa très grande taille ; Louise, l’épouse d’Al, emplie d’une colère prête à exploser ; et enfin Isabelle, dont les souvenirs s’estompent petit à petit. Puis, il y a Lillian bien sûr, dont la vie prend un tournant inattendu...
Mon avis :
J’avais lu L’école des saveurs (mon avis ici) avec un tel plaisir que je me faisais une joie de lire cette suite tant attendue (publiée cette fois-ci aux Editions Charleston). Je remercie infiniment cette nouvelle maison d’édition de m’avoir donné l’occasion de le découvrir avant sa parution.
Je suis encore une fois sous le charme de l’univers d’Erica Bauermeister. Même si cette fois je n’ai pas retrouvé la même intensité qu’avec son premier roman (les sens étant nettement moins mis à l’épreuve), j’ai éprouvé un vrai bonheur à retrouver Lilian et ses amis.
Petit rappel des faits : Lillian a ouvert il y a huit ans un petit bijou de restaurant (de ceux qui chouchoutent la nourriture autant que ses clients en leur offrant des repas préparés à base des produits frais et de beaucoup de passion) où elle dispense des cours en petit comité. En huit ans des liens se sont créés entre les employés que l’on découvre ici plus intimement.
Il y a Al, le comptable (qui s’est découvert une drôle de passion), son épouse Louise (qui est prisonnière d’une vie qui ne lui convient plus), Chloé (l’ancienne commis de cuisine, toujours à croire à tort qu’elle ne vaut pas grand-chose), sa colocataire Isabelle (atteinte d’Alzheimer), et le petit nouveau Finnegan (véritable gardien des souvenirs, géant au grand cœur).
« La cuisine de son restaurant était née de parfums, de saveurs, de textures. Elle était faite de lignes épurées d’une assiette ronde et blanche, de la peau bien ferme des poires, de la crémeuse générosité des fromages à pâte molle, des innombrables couleurs des épices qui s’alignent dans les bocaux, sur les étagères, telle une galerie de portraits de famille. Voilà où elle se sentait chez elle. » Page 72
Le thème principal n’est plus ici la gastronomie ou la cuisine (même si elle conserve son importance). De même le roman n’est plus axé véritablement si Lillian. Son histoire personnelle passe en second plan. Elle et son restaurant servent ainsi de pivot autour duquel tournent les personnages principaux et où s’installent des intrigues annexes. Ce roman n’étant pas bien gros (moins de 300 pages) nous survolons donc de façon superficielle ces vies, et pourtant Erica Bauermeister arrive à toucher son lecteur en soulevant bon nombre d’émotions. A ce titre, certaines personnes se détachent telles que Finnegan, un jeune homme assez mystérieux qui se révèle résolument tourné vers les autres et mettant un point d’honneur à la sauvegarde des souvenirs, et Isabelle, atteinte de la maladie d’Alzheimer, qui perd doucement la mémoire mais pas sa tête.
L’écriture d’Erica Bauermeister est fluide et toujours aussi plaisante. Il n’est pas forcément indispensable d’avoir lu L’école des souvenirs pour comprendre et apprécier ce titre (mais franchement je vous conseille de le lire, c’est un bonheur !) ni même d’être adepte des romances. Le goût des souvenirs est simplement un roman contemporain, construit un peu comme un regroupement de nouvelles, qui parle de rencontres, de destin, de souvenirs, de famille et d’amour. Et même si tout n’est pas rose, l’auteure diffuse autant d’optimisme que d’espoir. Chapitre après chapitre, on fait plus ample connaissance avec des personnages ordinaires qui essayent de vivre pleinement leur vie, avec ces petits rien qui forment parfois de joli tout (un cahier bleu, un ouvrage découvert par hasard au détour d’une supercherie, une valise rouge…).
Le goût des souvenirs est un roman choral plein de bons sentiments qui fait du bien. Et même si j’ai trouvé ce second livre, qui n’est finalement pas une suite directe, un peu en deçà de L’école des saveurs, je n’ai pas été du tout déçue. J’ai pris plaisir à déguster les mots de l’auteure et à retrouver ces êtres simples et touchants.
Oui mais Lilian me direz-vous enfin. Et bien nous la retrouvons ici, à 36 ans, alors qu’elle passe un cap assez inattendu supportant de moins les moins les différentes odeurs de sa cuisine, pourtant si accueillantes et réconfortantes avant. Aux côtés de Tom, elle va ainsi devoir faire face à une nouvelle à laquelle ils étaient loin de s’attendre…
« A la mort de sa grand-mère, Chloé, alors âgée de douze ans, avait volé de l’argent dans le porte-monnaie de sa mère pour se rendre à l’épicerie où elle avait acheté trois énormes boites de fraises. C’était le mois de mars, et les fruits venaient sans aucun doute d’un lieu aussi éloigné que celui où se trouvait à présent sa grand-mère, mais peu lui importait. Croquant dans une fraise dure et sans saveur, Chloé s’était convaincue que sa grand-mère avait emporté avec elle le goût des fraises. Depuis ce jour, Chloé n’en avait plus jamais mangé.
Maintenant qu’elle couchait ses souvenirs sur le papier, elle se rappelait ces après-midi d’été passés dans la cuisine de sa grand-mère, quand elle saupoudrait de sucre les fraises coupées dont le parfum adoucissait l’air tout autour d’elles. Elle se surprit à demander quelle allure aurait une rangée de fraises glissée entre les carottes et les laitues et les tomates du jardin d’Isabelle. » Page 60
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