Nathan Filer : Contrecoups
Contrecoups de Nathan Filer 4/5 (10-09-2014)
Contrecoups (350 pages) est sorti le 28 août 2014 aux Editions Michel Lafon.
L’histoire (éditeur) :
« Je vais vous raconter ce qui s’était passé, parce que ce sera l’occasion de vous présenter mon frère. Il s’appelle Simon. Je pense que vous allez l’aimer. Vraiment. Mais d’ici quelques pages il sera mort. Et, après ça, il n’a plus jamais été le même. »
Matthew a 19 ans, et c’est un jeune homme hanté. Par la mort de son grand frère, dix ans auparavant. Par la culpabilité. Par la voix de Simon qu’il entend partout, tout le temps…
Matthew a 19 ans et il souffre de schizophrénie, une maladie qui « ressemble à un serpent ». Pour comprendre son passé et s’en libérer, Matthew dessine, écrit. Il raconte l’enfance étouffée par la perte, la douleur silencieuse de ses parents ; l’adolescence ingrate brouillée par les nuages de marijuana ; la lente descente dans la folie, l’internement… Mais aussi, avec un humour mordant, le quotidien parfois absurde et toujours répétitif de l’hôpital psychiatrique, les soignants débordés, l’ennui abyssal… Et le combat sans cesse renouvelé pour apprivoiser la maladie, et trouver enfin sa place dans le monde.
Mon avis :
Contrecoups est le premier roman de Nathan Filer, déjà récompensé par le Prix Costa (meilleur livre de l’année 2013) en Grande Bretagne, est un livre poignant et tragique, abordant (avec un professionnalisme certain) le thème de la schizophrénie, sans négligé celui de la douleur liée à la perte.
Matthew, le protagoniste et narrateur, nous entraîne, par le biais d’un style oral vivant (et très personnel) dans sa lente plongée dabs la folie.
Le récit de Nathan Filer parait alors décousu. Sa construction au présent, au passé, aux souvenirs disloqués, donnent du fil à retordre au lecteur. Ce texte est, à double titre, une lecture pas franchement facile. Il faut s’accrocher pour saisir la complexité de ses pages (mêlant aussi divers typologies et quelques dessins) mais à mesure que l’on progresse dedans (autant que dans la tête de Matthew) on comprend combien tout es éléments servent au roman. Contrecoups devient alors frappant, hyper réaliste et terriblement bouleversant.
A 9 ans, Matthew Homes est presque un enfant comme les autres (intelligent, sociable, sensible et affectueux), à un détail près : il est le petit frère d’un garçon « spécial » (atteint de trisomie 21). Ceci mis à part, les deux mômes sont très unis (tout comme le reste de la famille) et, comme tous les gosses de leurs âges, ont l’habitude de faire les 400 coups ensembles. Jusqu’à ce terrible accident : la mort brutale de Simon. Va suivre alors la douloureuse descente de ce petit frère perdu et rongé par la culpabilité, seul dans les abimes de la maladie.
« Voilà ma vie. J’ai dix-neuf ans et la seule chose que je maîtrise encore un tant soit peu dans mon univers, c’est la façon de raconter cette histoire. Alors je ne compte pas déconner. Ça serait bien si vous faisiez l’effort de me faire confiance. » Page 108
Il y a là évidemment beaucoup de souffrance (qu’elle soit chez Matthew où dans le reste de la famille affectée par cette perte et ce qui en découle) mais l’auteur y distille aussi quelques notes d’humour que l’on retrouve surtout dans l’écriture naïve de petit garçon.
Contrecoups est une roman intense et d’une grande intelligence. Nathan Filer a construit avec une grande précision un texte à première vue confus, qui se révèle en fait être magistralement maîtrisé et coller avec précision à l’esprit du narrateur. Plongée ainsi dans les méandres de la schizophrénie est aussi effrayant que passionnant. Impossible de ne pas être touché par Matthew, aujourd’hui âgé de 19 ans, constamment tiraillé entre des sentiments contraires, malade mais plein d’espoir, jusqu’aux dernières pages qui vont serrer le cœur à plus d’un lecteur.
« C’est ainsi qu’on se construit un passé. Comme un puzzle auquel il manque des pièces. Mais dès l’instant où l’on a assez de pièces, on peut savoir ce que cachent celles qui manquent. » Page 320
« Je n’avais pas tant de souvenirs personnels que ça à partager. Pas de souvenirs complets, avec un début, un milieu et une fin. Quand mon grand frère était là, je n’étais qu’un petit garçon, et on ne choisit pas les souvenirs que l’on garde. » Page 345
Ce roman de la rentrée littéraire 2014 a déjà été très remarqué et fait partie de la Sélection Rentrée littéraire de la Fnac, de la Sélection Rentrée littéraire des Maisons de la Presse et de la Sélection Rentrée littéraire de Cultura.
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