Libre-R et associés : Stéphanie - Plaisir de lire

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Sarah McCoy : La bonne étoile d’Elsie

La bonne étoile d’Elsie de Sarah McCoy   3,5/5 (22-03-2013)

 

La bonne étoile d'Elsie (523 pages), premier roman traduit de Sarah McCoy, est disponible depuis mai 2013 en avant-première aux Editions France Loisirs.

 


 

L’histoire (éditeur) :

 

Allemagne 1944. Naïve et innocente, Elsie traverse la guerre à l’abri de la petite boulangerie de ses parents et sous la protection d’un officier nazi, loin d’être indifférent à son charme. Lors de la soirée de Noël du parti, elle échappe de peu à un viol grâce à un petit garçon juif. Seul et sans défense, il demande à la jeune fille de le cacher. Prendra-t-elle le risque ? États-Unis, de nos jours. À quatre-vingts ans, Elsie s’active toujours derrière les fourneaux de sa boulangerie. Elle rencontre Reba, une journaliste venue l’interroger sur les fêtes de Noël du passé…

 

Mon avis :

 

L’histoire de Reba sert de fil conducteur. Son article sur les traditions de Noel est l’occasion de découvrir une trame historique travaillée et vraiment captivante. La période choisie est une époque déjà maintes fois abordée en littérature, et pourtant elle reste ici intéressante. Sarah McCoy l’aborde d’un point de vue peu commun, celui des allemands fidèles à leur patrie, ceux qui ont approuvé la politique (dans sa majeure partie) d’Adolf Hitler. Elsie et sa famille sont de braves citoyens allemands soucieux de soutenir au mieux le troisième Reich. Loin d’être des monstres, ils ont été simplement bernés par une propagande efficace, bercés par des discours de perfection. D’autre part, en plus de la thématique douloureuse de la persécution juive, l’auteure met en avant un lourd secret concernant la politique nazie rarement évoqué. Très bien documenté, La bonne étoile d’Elsie permet d’en apprendre d’avantage sur les faits de l’époque et en particuliers sur l’association Lebensborn dont le but était de développer une race aryenne parfaitement pure par le biais de génitrices telle que Hazel, la sœur d’Elsie. 

 

Sarah McCoy a choisi d’utiliser l’alternance des époques et de lieux (Allemagne pendant la seconde guerre mondiale et le Texas de nos jours). Si le choix de la construction n’est pas d’une grande originalité, il permet toutefois de faire naturellement le lien entre les deux personnages principaux et les deux époques. De ce point de vue c’est habilement mené. L’alternance passé-présent (et surtout la présence du couple Reba Adams-Riki Chavez) est l’occasion de faire le parallèle avec des conflits plus récents : la guerre du Vietnam (dont le père de Reba ne sortira pas indemne) et les problèmes frontaliers Etats unis-Mexique (avec le personnage de Riki, pris entre deux feux : sa naissance et sa naturalisation).  Sarah McCoy met ainsi en avant le poids du passé (personnel ou collectif) et permet de réfléchir sur le problème de l’immigration et de l’exclusion.

 

Les personnages sont attachants. On les suit agréablement dans leur histoire respective et plus particulièrement celle d’Elsie qui retient beaucoup plus l’attention. C’est une jeune femme frêle qui se révèle bien plus forte et courageuse qu’il n’y parait. Habitée d’une très grande humanité, elle n’hésitera pas à cacher une jeune enfant juif dans sa chambre pour lui sauver la vie. Habités par la culpabilité (Josef et le père de Reba sont les plus marqués), les protagonistes cherchent tous à se libérer d’un secret ou d’un poids. Le dénouement leur apportera peut-être la libération…

 

« Il avait vu la mort autour de lui et avait donné des ordres pour la causer, sous couvert de faire son devoir. Il baignait dans le sang, plus coupable qu’un simple solde armé d’un fusil. Il ferma les yeux, mais l’assemblée de cadavres se fit encore plus précise dans son esprit.

Il était persuadé que leurs fantômes vengeurs demeureraient en Allemagne. Si seulement il pouvait partir, il serait libéré d’eux et de toutes ces atrocités de la guerre. Il (…) emmènerait Elsie avec lui. (…) Fidèle et honnête, elle lui apporterait l’absolution. » (Chapitre 30)

« Peut-être révélerait-il le secret d’Elsie, mais pas aujourd’hui. Aujourd’hui, il avait enfin ou voir que le monde ne se limitait pas au leurre de son reflet parfait. Aujourd’hui, il était le témoin, privilégié de la fin de son enfance. » (Chapitre 31)

 

Sur fond de récit historique, la bonne étoile d’Elsie est une belle histoire sur la culpabilité, le pardon, les différences et l’acception de l’Autre (et de soi). A travers une histoire douloureuse et touchante, Sarah McCoy livre un délicat et merveilleux message d’espoir. C’est une belle leçon de courage dominée par de liens très forts d’amitié et familiaux. Une rencontre improbable entre deux héroïnes et deux histoires qui vous toucheront forcément.

 

« Nous portons tous nos propres secrets. Certains sont plus à leur place enterrés avec nous dans la tombe. Ils ne font aucun bien aux vivants. » (Chapitre 47)

 

Enfin, lire la bonne étoile d’Elsie va vous donner envie de manger toute la vitrine de la boulangerie ! On en sent les bonnes odeurs de pains et de cannelle. Allemande pure souche, Elsie parsème le récit de sa langue maternelle qui, même sans la comprendre totalement, donne une touche d’authenticité délicieuse (les pages s’avalent comme on dévore un très bon pain).  Merci enfin à l’auteure pour les recettes qu’elle offre en fin de roman (il n’aurait pas pu en être autrement !).

En bref, sous une plume agréable et prenante, La bonne étoile d’Elsie est une fiction historique riche en émotions qui réveille les sens.

 

Le livre est également sorti le 17 avril 2014 aux  Editions Les Escales

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05/06/2013
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