Libre-R et associés : Stéphanie - Plaisir de lire

3000 façons de dire je t’aime de Marie-Aude Murail 5/5 (21-08-2013)

3000 façons de dire je t’aime (272 pages) est paru le 22 août 2013 aux Edition L’école des loisirs, dans la collection Grands Formats.

L’histoire (éditeur) :

Chloé, Bastien et Neville ont eu en cinquième une professeure de français qui n’aimait que les livres qui finissent mal. Un soir, elle les a emmenés pour la première fois au théâtre voir une représentation de Dom Juan de Molière. Cette soirée a changé leur vie. C’est décidé, ils seront comédiens ! 
Six ans plus tard, leur désir de monter sur scène est intact et ils se retrouvent au conservatoire d’art dramatique de leur ville. Le professeur le plus réputé, Monsieur Jeanson, les prend tous les trois dans son cours. 
Chloé va devoir concilier les cours de théâtre avec le rythme intensif de la classe préparatoire qu’elle vient d’intégrer. Bastien, prêt à tout pour faire rire, pense qu’il suffit de regarder une vidéo de Louis de Funès pour apprendre la tirade d’Harpagon. Le beau et ténébreux Neville a peur de se donner les moyens de son ambition, d’être un autre pour savoir enfin qui il est. Comment le théâtre va-t-il lier pour toujours la jolie jeune première, le valet de comédie et le héros romantique que Jeanson a su voir en eux ?

Mon avis :

Il y a quelques semaines, je vous parlais de Oh, boy ! que j’avais adoré, et bien je suis plus que ravie de poursuivre l’expérience Marie-Aude Murail. Elle a le don de mélanger les émotions dans une écriture simple mais efficace et délicate, alors je suis sous le charme naturellement ! C’est à chaque fois nouveau et tout autant plaisant. 3000 façons de dire je t’aime est un plaisir de lecture. Le cœur léger j’ai vogué à travers les pages et voyagé dans l’univers théâtrale tragique et comique de Chloé, Bastien et Neville.

3000 façons de dire je t’aime comble toutes les attentes de lecture, quelque soit le lecteur (et peu importe que ce roman soit destiné aux 12-16 ans). Ça bouge, c’est tendre, c’est drôle, c’est touchant… C’est tout simplement encore un très bon titre de Marie-Aude Murail avec des jeunes qui se découvrent, des jeunes comme vous et moi (enfin, quand j’étais jeune !) avec pas mal de défauts (glandeur, timide, pitre, voleur…). Le genre de défauts qui, combinés à toutes leurs qualités, font d’eux des ado adorables et surtout super attachants.

Dans ce roman, c’est le théâtre qui réunit les protagonistes. Le théâtre, qui en cinquième, les a fait connaître une expérience singulière (merci Madame Plantié (prof de français) pour la révélation !), renouvelée quelques années plus tard sous le couvert de Monsieur Jeanson. On peut saluer l’originalité de l’écriture qui mélange avec efficacité une histoire déjà prenante aux grands classiques. Le théâtre est donc à l’honneur ici, dans le fond comme dans la forme. Peu de pages sont tournées sans que l’on évoque Shakespeare, Molière, Ionesco, Musset, Corneille…Même dans les titres des chapitres, une citation rappelle des grandes œuvres que certains jeunes ont peut-être un peu de réticence à aborder. Après cela, plus de quoi être frileux ou effrayé par ce genre de littérature, mais une vraie envie d’en découvrir davantage ou de s’y replonger (c'est une approche audacieuse appréciable).

Ce qui est chouette avec Marie-Aude Murail c’est qu’on ne tombe jamais dans le caricatural. L’amitié et l’amour y sont décrits avec autant de simplicité que de complexité. Elle mélange des sujets souvent délicats a à des situations plus légères, et 3000 façons de dire je t’aime n’y coupe pas. Entre les exigences parentales, l’univers compétitif de la prépa, la difficulté d'atteindre son but, la maladie, les familles monoparentales en difficultés, l'oeil désapprobateur des parents…, on voit évoluer chacun des trois jeunes,  poursuivre leur désir de percer dans le milieu et se rapprocher (cours, doutes, apprentissage des textes, échecs, répétions en privé ou en public, entraide…). Les décisions rythment ainsi le parcours initiatique de Chloé, Neville et Bastien.

On a le sentiment de faire partie de ce trio et on est au final un peu déçu de ne pas avoir véritablement vécu ces moments à leurs côtés. L’auteure ne se limite pas à nous raconter leur expérience théâtrales et leur avancée dans le métier de comédien. Elle donne aussi l’occasion de mieux les connaître en nous faisant partager leur vie personnelle. Et comme chacun possède un vécu bien particulier, l’intrigue se retrouve alors diversifiée. On se reconnaît plus ou moins dans l’un des trois, que ce soit Chloé Lacouture, la jolie et timide étudiante (fille de fonctionnaire exigeants et très à cheval sur les études), Neville Fersen, le rebelle amoureux de poésie (fils d’une mère célibataire asthmatique qui galère bien dans sa vie !) ou Bastien Vion, le fanfaron (fils d’épiciers qui ont fait faillite et qui deviennent le contre modèle de ce fils plein d’humour). Et même si ce n’est pas le cas, on prend tout simplement un grand plaisir à les découvrir.

En un mot : Bravo pour ce livre qui parle de rêve et d’ambition et de beaucoup d’autres choses encore.

« Chloé avait l’habitude de suivre la consigne. Elle fit ce que la comédienne lui indiquait, et le résultat fut immédiat. Ses camarades éclatèrent de rire. Chloé, qui avait rêvé de faire pleurer ses parents en mourant sur scène, fut complémenté pour son talent comique par le jury du baccalauréat. Madame Gillain avait donc raison, la vie est un malentendu. » Page 28

« Quand il appris à son père qu’il avait fait une demande d’inscription au conservatoire d’art dramatique, monsieur Vion eut cette réplique peu digne du répertoire, même comique :

 -Pour quoi foutre ?

 - tout sauf épicerie, répondit Bastien. » Page 30

« Aimer deux garçons à la fois étant impossible, elle n’en aimait donc aucun. » Page 119