Jack Ketchum : Une fille comme les autres
Une fille comme les autres de Jack Ketchum 4,75/5 (20-10-2013)
Une fille comme les autres (350 pages) est paru le 24 janvier 2007 aux Editions Bragelonne, dans la collection Terreur, puis le 12 septembre 2013 en version poche chez Folio (432 pages)
L’histoire (éditeur) :
Meg est une adolescente. Prisonnière. Torturée.
Il y a ceux qui en profitent, ceux qui s'en foutent et ceux qui voudraient l'aider.
Et vous ?
Mon avis :
Une fille comme les autres est l’histoire de Megan et Susan Loughlin, recueillies par Ruth Chandler (leur tante), suite au décès de leurs parents dans un accident de voiture dramatique dont Susan est ressortie miraculeusement vivante mais avec les membres inférieurs complètement brisés. Megan a du mal à se faire au comportement de sa tante, qu’elle trouve distante, et n’arrive pas à se sentir à la hauteur. Elle en parle à David, un jeune voisin et meilleur ami de l’aîné des Chandler, devenu son seul ami. Mais les tentatives de ce dernier pour rapprocher les deux femmes échouent et empirent la situation. Ce qui la mettait mal à l’aise n’est en réalité rien comparé à ce qu’elle va endurer dans les semaines à venir, car lorsqu’elle se confie à un adulte (bien que ses paroles restent vaines), elle réveille la colère de sa tante et de ses trois garçons.
« Nous avions presque de quoi lui en vouloir. Son échec avec M Jennings nous renvoyait en plein visage l’impuissance qui était la nôtre. (…) C’était comme si, en échouant, Meg nous avait fait faux bond à nous aussi.
Notre colère avait besoin d’un exutoire. Ce fut Meg.
Je ne réagis pas différemment. En moins de deux jours, je la chassai lentement de mon esprit. Je cessais de m’en faire. Je me coupais totalement d’elle.
Et merde, songeai-je. Laissons les choses suivre leur cours.
Chapitre 9
Ce qui nous conduisit au sous-sol. » Page 184
Et c’est ainsi qu’un simple jeu de gosses de quartier (jeu de raid commando qui consiste à bâillonner le perdant pour lui faire subir ce que le gagnant désire, devant les autres joueurs) devient une activité autorisée et même encouragé par Ruth, dans le sous-sol de sa maison. La captivité, la torture, la privation et la violence deviennent un terrible jeu macabre dont Meg est la victime pendant trois semaines, jusqu’à ce que le cercle s’élargisse aux autres gamins (et même gamines) de la rue et sombre dans l’horreur.
Une fille comme les autres montre jusqu’où l’Homme est capable d’aller dans la méchanceté et le sadisme et comment l’effet de groupe peut le priver de conscience. David, le narrateur, revient ainsi sur la pire période de sa vie, celle qui l’a changé à jamais : sa rencontre avec Meg, dont il tombe tout de suite sous le charme, et tout ce qui a suivi…
Avant de commencer le récit de Jack Ketchum, j’ai pris un grand plaisir à lire l’introduction dans laquelle Stephen King vente les talents de l’auteur. On sent dans ces quelques pages tout le respect qu’il lui marque. Tout en sachant de quoi parle le livre et en appréhendant la gravité des faits, Stephen King a changé ma curiosité à l’égard de ce livre en une furieuse envie de me jeter sur le texte de Jack Ketchum (pseudonyme de Dallas Mayr).Pourquoi un homme avec tant de talent aurait-il été autant sous-estimé ? Le maître du fantastique n’en ferait pas tout un tout petit trop…. Voilà une question que je me suis tout de même posée en attaquant ce livre et, sans tomber dans l’extrême de King, je dois avouer qu’il y a du vrai dans ses propos.
Il faut bien admettre que la plume de Jack Ketchum est vraiment sympa. Il a réussi sans aucun mal à me transporter dans cette petite ville des années 50, avec ses séries TV, ses musiques, ses vedettes et son décor tranquille. Si le sujet est dur et que les faits restent éloquents (sans rentrer plus que ça dans les détails et en occultant même l’indicible), il a cette écriture qui rend le livre plus attrayant. En plus d’être un bon page-turner, l’intérêt d’Une fille comme les autres réside aussi dans le fait que l’auteur a volontairement déplacé le fait divers authentique (affaire Sylvia Linken de 1965) en 1958, qu’il a enrichi de souvenirs de jeunesse. On aurait presque envie de profiter de l’été à côté de ces enfants, à jouer dans Laurel Avnue, à pêcher les écrevisses…dans cette ambiance d’insouciance collective où les portes restent constamment ouvertes et où on ne craint et ne suspecte pas grand-chose. Transplantée dans ce décor, littéralement impliquée dans le récit de David, je ne me suis pas sentie simple spectatrice, mais j’ai également été témoin, submergée par une furieuse envie de tous leur casser la gueule (en particuliers Ruth, qui m’a glacé le sang) ou plus raisonnablement de contacter la police.
Oui, j’ai apprécié cette manière de raconter, par l’intermédiaire de ce gamin de 12 ans, devenu adulte aujourd’hui, sur le point de se marier. Le narrateur nous épargne l’indescriptible mais il met nos nerfs à rude épreuve. On est à la fois pressé d’arriver au dénouement et effrayer à l’idée d’en apprendre davantage. Oui, j’ai été prise d’effroi et d’incompréhension (qui ne le serait pas ?), mais je crois qu’il y a autre chose…Le tout a quelque chose de puissant je trouve, entre addiction et oppression, entre répulsion er voyeurisme malsain. Le tout se côtoie avec talent.
« Ils ne voyaient qu’eux-mêmes et le moment présent. A part ça, ils étaient vides, aveugles.
Et, oui, je tremblai. J’avais une bonne raison pour cela. J’avais enfin compris.
J’avais été capturé par des sauvages. J’avais vécu avec eux. J’avais été l’un d’eux.
Non, pas des sauvages. Pas vraiment.
Plutôt une meute de chiens ou de chats, ou encore la colonie de féroces fourmis rouges avec laquelle aimait jouer Woofer.
Comme s’il s’agissait d’une toute autre espèce. Une intelligence qui n’avait d’humain que l’apparence, mais se révélait incapable d’éprouver des sentiments humains.
Je me tenais au milieu d’eux, submergé par l’altérité.
Par le mal. » Page 328
Inutile de vous cacher qu’Une fille comme les autres est extrêmement dérangeant. On se demande comment une mère de famille peut arriver à tant de perversité, comment personne n’a pu mesurer la gravité des actes (où est l’empathie, mince ?!!!). La descente aux enfers a presque quelque chose de normal dans cet abri atomique… Sauf peut-être pour David, témoin inactif (dans tous les sens du terme) embarqué dans quelque chose qui le dépasse, dont l’excitation laisse la place à la terreur mais dont le prise de conscience arrive malheureusement trop tard pour lui, pour elle et pour tous les autres.
Mais comme dirait Ruth : « n’en parlons plus »….
Pour info, l’adaptation ciné est sortie en 2007 sous le titre original du roman : The girl next door Perso, les mots me suffisent amplement et les images me tente moyennement....
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