Alissa Nutting : Prédatrice
Prédatrice d’Alissa Nutting 3/5 (02-01-2014)
Prédatrice (302 pages), premier roman d’Alissa Nutting, sort le 23 janvier 2014 aux Editions Sonatine.
L’histoire (éditeur) :
Celeste Price, 26 ans, est professeur dans un lycée de la banlieue de Tampa, Floride. Elle est mariée au beau Ford, un policier issu d’une famille aisée. Tous deux ont un charme fou, ils forment, à tous les égards, le couple parfait. Voilà pour les apparences. La réalité est beaucoup plus sordide. Celeste est en effet depuis très longtemps tourmentée par son goût particulier pour les adolescents. Dévorée par une passion de plus en plus incontrôlable, elle décide un jour de passer à l’acte et de séduire un de ses élèves. Sans se douter qu’elle entre ainsi dans un engrenage infernal aux conséquences terribles. Avec ce portrait à la première personne d’une femme qui entend rester libre de ses désirs, même les plus pervers, l’auteur prend le lecteur au piège entre l’empathie naturelle qu’il éprouve pour la narratrice et les actes irrépressibles de celle-ci. Proche des univers de Gillian Flynn ou de Mo Hayder, qu’elle pousse à leur paroxysme, Alissa Nutting nous offre un thriller pour le moins dérangeant qui a déclenché une véritable polémique lors de sa sortie aux États-Unis, et qui sera certainement ici aussi l’un des livres les plus controversés de ce début d’année.
Mon avis :
En recevant Prédatrice, j’étais loin de me douter dans quoi je m’aventurais. Les grandes lignes en quatrième de couverture étaient explicites, mais pas assez éloquentes et claires quant à la nature du texte. Moi qui réservait ma première lecture érotique (ou « New Adult ») à 50 nuances de Grey qui attend sagement dans ma PAL et qui a tant fait parler de lui, et bien c’est raté. C’est finalement avec Prédatrice, annoncé comme un thriller sur le site de l’éditeur, que j’aurais goûté à ce style very hot ! Que dois-je dire ? Merci Sonatine pour ce cadeau, une de mes premières lectures de l’année 2014, et peut être la plus cochonne. Et bien franchement je ne sais pas vraiment sur quel pied danser avec ce livre ? parce que si vous souhaiter un texte chaud bouillant, c’est par ici que ça se passe, mais je suis tout de même obligée de vous dire qu'il y a ici une petit côté de Lolita de Nabokov, en version féminin et beaucoup plus vicieux. Voilà les bases sont posées, à vous de voir maintenant.
Il ne m’aura pas fallu beaucoup de pages pour cataloguer la personnage principal : Celeste Price est une belle garce complètement allumée ! Jeune et jolie femme de 26 ans, elle est grande, bonde, brillante, professeur d’anglais et mariée à Ford, un policier dont la famille est très bien portante financièrement (à eux deux ils forment en apparence le symbole de la perfection, dirons les invités à leu mariage). Ce n’est pas franchement un mariage d’amour car Ford (qui m’a fait penser à un bon gros lourdaud) ne partage pas grand-chose avec elle, si ce n’est son argent et de temps en temps le lit conjugal (plus par obligation du côté de Celeste, pour ne pas l’avoir sur le dos et pour brouiller les pistes). C’est avant tout une bonne couverture qui permet de lui donner l’apparence tranquille de l’épouse stable. Quant à son job, et bien n’ayant pas du tout besoin d’argent, c’est disons-le : l’endroit idéal pour recruter sa proie. C’est d’ailleurs ce qu’elle s’efforce de faire dès le jour de la rentrée. Oui parce qu’attention, se trouver un petit jeune n’est pas chose aisée, surtout quand on porte sa préférence sur un gamin d’environ 14 ans, rentrant tout juste dans la puberté. Car il faut qu’il soit agréable physiquement (ça va de soi !) et assez timide pour qu’il n’ait pas l’idée de se vanter d’avoir une relation avec la magnifique et nouvelle professeure, mais pas trop timide non plus (pouvant ainsi le poussé au maximum de la débauche. Exit donc les croyants trop pratiquants et trop facilement choqués !).
Enfin bref, sa proie trouvée en la personne de Jack Patrick, elle se livre sans vergogne ni tabou à son éducation sexuelle pour qu’il devienne son jouet, et croyez-moi le plaisir est au rendez-vous !
« Bien que je ne sache pas encore lesquels des garçons de ma classe d’anglais de quatrième allaient être mes préfères, j’ai fait des suppositions à partir de la liste de noms et j’ai exécuté une petite cérémonie vaudoue ; j’ai remonté la robe jusqu’à l’encrier transparent que j’avais entre les jambes, trempé le bout de mon doigt et (…censure…). J’espérais que l’atmosphère serait saturée de phéromones qui informeraient les élèves concernés de ce que je n’avais pas le droit d’exprimer tout haut. » Page 14
Inspiré d’un fait réel (l’affaire Debra Lafave, qui a eu lieu en 2005 en Floride), ce récit aurait pu juste être un récit de cul à la limite de l’écœurement (parce que tout est dit et qu’Alissa Nutting ne prend aucune pincette pour décrire les jeux sexuels de Celeste), si l’auteure n’avait pas choisi d’orienté son récit sur le personnage féminin et de décrire très bien son état d’esprit à la manière d’une véritable prédatrice. Je trouve à ce propos que le titre français est très bien choisi (comparé au titre original, Tampa, qui désigne la banlieue de Floride où se situe l’intrigue). Celeste est super maligne, tout est scrupuleusement réfléchi et fait de telle sorte qu’elle ne se fasse jamais prendre. Sauf qu’à force d’être trop gourmande (ceux qui lirons le livre comprendrons le jeu de mots) on se fait forcément à un moment ou à un autre prendre la main dans le sac ! Et quand le père de Jack se mêle à leur histoire, la relation va à vau-l’eau, l’exposition au grand jour de sa véritable personnalité devient de plus en plus imminente et la tension monte d’un cran. C’est en cela que le roman trouve un peu quand même sa place dans la catégorie thriller (et pour quelques détails qui surviennent ensuite aussi).
Prédatrice m’a inspiré un certain malaise (moins toutefois que s’il avait été question d’un homme envers une adolescente) et pourtant j’ai continué à tourner les pages curieusement (et non avidement…). Comment une femme d’apparence aussi charmante peut en arriver là ? Tout simplement parce que nous sommes en présence d’une malade mentale ! Alissa Nutting nous la présente aussi comme telle. Elle a beau être jolie et intelligente, elle a tout de même un godemiché planqué dans sa voiture et s’en sert régulièrement lorsqu’elle épie ses victimes. Ajoutons aussi qu’elle est froide comme un glaçon devant la souffrance de sa proie, que c’est une manipulatrice reine et une calculatrice qui ne s’encombre pas d’éléments dérangeants.
Ecrit à la première personne, le roman se limite donc aux perceptions de Celeste. On comprend (ou on tente) ainsi mieux son esprit torturé, ses rapports aux autres et à son mari surtout, et sans pour autant se mettre à sa place (l’empathie n’a pas sa place dans ce genre de livre) on peut plus facilement percevoir sa folie. J’ai quand même regretté de ne pas savoir ce que devenait Jack. Bien que centré sur le bourreau, l’auteure ne prend pas du tout parti, elle se contente de laisser Celeste raconter son histoire. Pas de compassion pour cette femme à l’obsession sexuelle dévorante (au point de dicter sa vie), ni envie pour autant de lui casser la figure bizarrement. Parce que finalement, après avoir dépassé le sentiment de dégoût, c’est une espèce de pitié qui est venue prendre place.
En lisant Prédatrice, après avoir lu A moi pour toujours, où je me suis également retrouvé en présence d’une professeure d’anglais et du thème de l’adultère, je me disais que Laura Kasischke était une petite joueuse…
Il est vraiment important de ne pas mettre ce premier livre d’Alissa Nutting entre toutes les mains, et ce n’est pas pour rien qu’il a été interdit dans certaines librairies des Etats Unis et d’Australie. D’une part, l’auteure ne s’embarrasse d’aucun détail (choisissant même de s’y attarder), tous les fantasmes de la psychopathes étant non seulement réalisés mais décrits (on aurait presque envie de cataloguer le roman en pornographie), et en plus (et surtout) le caractère de la relation complètement manigancé avec des gamins innocents, c'est pas évident à digérer. Et même si la narratrice se défend quant à l'emploi du terme pédophile pour la désigner, on n'est pas loin tout de même, et c'est extrêmement dérangeant. Le malaise reste entier.
Prédatrice est carrément malsain !
« Mon excitation reposait sur la juxtaposition de l’innocence première de Jack et de sa sensualité naissante. (…) Si les requêtes de Jack commençaient à devenir plus adultes et osées, l’effet en serait tout aussi déplaisant pour moi que la maturation de son corps. » Page 203-204
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