Tina Uebel : La vérité sur Frankie
La vérité sur Frankie de Tina Uebel 3,5/5 (13-02-2013)
La vérité sur Frankie (384 pages), disponible depuis le 23 janvier 2013, est le troisième roman publié aux Editions Ombres Noires.
L’histoire (éditeur) :
Comment un homme peut-il entraîner trois jeunes gens à vivre dans la clandestinité pendant près de dix ans ? Inspiré par un fait divers réel, ce roman est une réflexion sur la perte des repères des individus sous influence.
Christoph, Judith et Emma sont étudiants. La vie s’offre à eux… jusqu’à ce que leur route croise celle du charismatique Frankie. Ensemble, ils passent un été de rêve. Un jour, Frankie confie à Christoph qu’il appartient aux services de l’anti-terrorisme. Il a besoin de son aide. Crédule, Christoph accepte une première mission. L’engrenage est en place. C’est bientôt au tour de Judith et d’Emma de se laisser convaincre et de s’imaginer traquées. Disparaître et faire aveuglément confiance à Frankie devient la seule solution. Commencent alors des années de cavale, mais aussi de sévices physiques et psychologiques.
Le véritable Frankie, qui s’est fait passer pour un agent du MI5 (Grande-Bretagne), a été condamné à la prison à perpétuité. La police pense que toutes ses victimes n’ont pas été retrouvées.
Mon avis :
J’ai croisé ce titre sur les étals de la FNAC et la quatrième de couverture m’a tout de suite attirée avec son résumé et la mention « inspiré par un fait divers réel ». Quand la couverture est apparue dans la liste Masse Critique de Babelio, j’ai sauté sur l’occasion et postulé. Je suis ravie d’avoir eu la chance d’être sélectionnée et d’avoir pu découvrir cette incroyable histoire. Avant de vous en dire plus, il est important d’ajouter un élément important : « Ce roman s’inspire de l’histoire vraie de Robert Freegard et de ses victimes, mais les personnages, les lieux, l’intrigue et ses détails sont pure fiction. » page 8
L’histoire est celle de Christoph, Judith (sa petite amie) et Emma (une amie proche). La vingtaine, étudiants stables, de famille aisée pour Christoph et surtout Emma, ces trois jeunes ne semblaient pas prédestinés à un avenir de clandestinité, de privation, d’isolement et de mensonges. C’était sans compter sur la rencontre avec Frankie, barman de 10 ans leur aîné avec qui Christoph a sympathisé. Après lui avoir donné quelques précisions sur sa vie (comme faisant partie des services secrets, à Hambourg depuis le 11 septembre car chargé de démanteler les réseaux), les accréditant de faits divers récents tel que la mort de l’ancien espion russe Litvinenko (mort par empoisonnement au polonium il y a 6 mois), Frankie demande ensuite de lui rendre un service. Oh mais bien sûr, il n’en dit pas plus pour la sécurité de l’étudiant, qui n’hésite pourtant pas à exécuter sa première "mission". A partir de là, c’est l’engrenage, car maintenant que Christoph est impliqué, sa vie est en danger et il doit maintenant vivre dans la clandestinité. Il entraîne alors Judith et Emma et les convainc de les suivre (après avoir lâchement abusé de l’amour et de la confiance de sa petite amie). Usant de son incroyable charisme, Frankie réussit avec une facilité déconcertante à les embrigader dans la spirale de la paranoïa.
Quand j’ai ouvert La vérité sur Frankie, j’ai été surprise par la forme narrative utilisée par l’auteure. Il s’agit d’une alternance de retranscriptions d’enregistrements audio entre les trois personnages : Christoph, Judith et Emma. A la manière d’un interrogatoire et d’une interview, le lecteur prend connaissance de l’affaire à travers trois versions différentes. La forme est forcément très orale (monologue), avec pas mal de répétitions, quelques longueurs et digressions, mais ça donne un étrange effet d’authenticité. Comme si l’auteure (écrivain et journaliste) nous aurait tout simplement consigné sur papier les enregistrements audio des témoins de l’affaire originale.
Dans ce roman à trois voix, on suit l’évolution sur une dizaine d’années des personnages dans leur cavale et dans leur abandon total dans la cause de Frankie. A l’image d’un gourou, cet homme qui n’a pourtant rien d’exceptionnel, les manipule et réussit à leur faire croire l’impensable. Et les voilà près à le suivre les yeux bandés, à vivre privés de tout dans un grenier pendant un an, à les isoler de tout et de tous, à leur faire prendre une nouvelle identité…. Mais à côté, ils ont la satisfaction croissante de plaire à Frankie et la fierté d’être à la hauteur et réussir à servir la cause. J’ai apprécié le procédé utilisé par Tina Uebel, qui a d’ailleurs très bien travaillé les personnalités. Les confidences (ou confessions) apportent un regard différent selon le narrateur : les récits se complètent ou parfois les versions s’opposent (personnages inversés, détails ajoutés…). Cela, tout comme l'alternance des points de vue, donnent du rythme et relancent l'intrigue, qui ne manque pas d'intérêt.
Comment une histoire pareille peut-elle être possible ? Peut-être un peu trop naïfs ou faibles (ou pas tant que ça finalement), ces trois jeunes ont tout de même réfléchi au discours de cet homme, mais le doute a laissé place au sentiment de peur et de paranoïa. Et si leur vie (et celle de leur famille) était réellement en danger… d’autant que Frankie leur laisse le choix et jamais ne les force (du moins pas explicitement !). Ensuite, la privation (de sommeil, de nourriture, de contact…) fait le reste et Frankie devient l’unique, le seul en qui ils peuvent faire et avoir confiance, celui qui attise la jalousie, celui dont on autorise la violence, celui à qui on livre sa vie.
La vérité sur Frankie est un roman choquant par l’ampleur de son histoire. Les personnages sont tellement dépendants émotionnellement et physiquement de Frankie que ça en donne la chair de poule. A découvrir !
« Frankie a fait plusieurs ricochets avec un caillou et m’a dit qu’il allait me confier quelque chose de très important, mais que je ne devrais rien dire à personne, sous aucun prétexte, est-ce qu’il pouvait compter sur moi ? (…) On ne m’avait encore jamais rien confié de vital. J’étais cuiriez. J’étais fier. J’ai juré, et c’est comme ça que j’ai appris la vérité sur Frankie. » Page 25 - Christoph
« Quand on doit tenir alors qu’on est à bout de forces, qu’on vit sur ses réserves, on a besoin de quelqu’un qui vous aide. Quelqu’un comme Frankie. Qui vous apprend à être fort. Il faut rester du côté des forts. Car les faibles disparaissent, c’est la triste vérité. A un moment, il faut décider si on est prêt à se battre ou si on veut disparaitre. (…)J’ai décidé de me batte, et je pense aujourd’hui encore que par principe, même sans parler des circonstances, je peux en être sacrément fière. » Page 172 Judith
Frankie a quelque chose de spécial. Il n’est pas comme vous et moi, surtout pas comme vous. Et depuis que nous étions avec Frankie, nous avions quelque chose de spécial nous aussi. » Page 69 Emma
« Frankie, qui m’avait offert cette connaissance, et ce sens ultime. Vous savez, vous pourriez ma tuer que ça ne me dérangerait pas, au contraire, je l’aurais fait moi-même si j’avais pu. Je mourrais avec un sentiment de sécurité et de sérénité, et ce en servant notre cause, avec une fierté claire et froide. » Page 213-Emma
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