Thibault Vermot : Colorado train
Colorado train de Thibault Vermot 4,5/5 (22-08-2017)
Colorado train (362 pages) est sorti le 6 septembre 2017 dans la collection Exprim' des Editions Sarbacane.
L’histoire (éditeur) :
Durango, 1949
La poussière rouge. Les sombres rocheuses. L'Amérique profonde, tout juste sortie de la Deuxième Guerre mondiale.
C'est dans ce monde-là que grandissent Michael et ses copains: le gros Donnie, les inséparables Durham et George, Suzy la sauvage.
Ensemble, ils partagent les jeux de l'enfance, les rêves, l'aventure des longs étés brûlants...
Jusqu'au jour où un gosse de la ville disparaît. Avant d'être retrouvé, quelques jours plus tard... à moitié dévoré.
Aussitôt, la bande décide d'enquêter.
Mais dans l'ombre, le tueur- la chose? - les regarde s'agiter.
Et bientôt, les prend en chasse...
Mon avis :
Colorado train, c’est des gamins qui s’amusent à se faire peur avec des histoire de Wendigo, qui jouent au D-Ball (variante très personnelle du Base-Ball), qui font des expéditions nocturnes à vélo, qui espionnent aux jumelles la jolie voisine… Des gamins inventifs et soudés.
Mais, c’est aussi la disparition de Moe ce 19 septembre 1949.
Ce n’est pas vraiment que le fait que Moe ait disparu les dérange (cette grosse brute leur en faisait voir de toutes les couleurs) et son absence a même quelque chose de salvateur. Mais ça les turlupine. Ils s’interrogent et s’organisent enquêteurs (avec leur cabane pour QG), se racontant au début beaucoup d’histoires et finissant finalement assez vite par prendre conscience de la gravite des choses au bout d’une semaine (cette disparition réveillant le souvenir d’une affaire particulièrement macabre).
Voilà un livre que j’aurais aimé lire adolescente ! Parce que j’ai dévoré une tonne de Stephen King et que mon style de prédilection était les romans et nouvelles terrifiantes, je peux vous dire que ce livre aurait fait mon bonheur à 15-16 ans ! qu’en est-il 20 ans plus tard ? J’ai adoré, tout simplement !
Colorado train est le genre de lecture qui fout la trouille mais qui est, en plus, rudement bien écrit ! Il y a ce petite côté sombre, l’autre trash, l’autre poétique, l’autre complexe, avec cette voix qui s’insinue dans l’intrigue et qui franchement m’a beaucoup déstabilisée au début. C’est qu’un petit (tout petit) temps d’adaptation est nécessaire pour capter tous ces intermèdes, pour véritablement rentrer dedans, pour s’imprégner de l’ambiance et pour saisir là où veut nous emmener l’auteur. Une fois chose faite, ce n’est que du bonheur (pas pour tout le monde évidement…). Parce qu’une fois que se révèle la vérité, ça vaut le détour. Une pression, plus qu’une tension, vient s’ajouter un suspens déjà très présent et alors impossible de lâcher le bouquin.
Les dialogues sont vrais et vifs, les descriptions pittoresques et délicates et la construction du récit est bien agencée. Le style de Thibault Vermot est imagé, tantôt beau, tantôt trash et choquant, mais terriblement efficace ! Certains passages ne sont pas à mettre entre toutes les mains (Cf page 231 par exemple) et les sujets abordés ici sont graves (viols, meurtre, cannibalisme) et traités sans compromis ni détour.
« Les ténèbres les entouraient, flottantes, à peine dissipées par la lampe. Derrière eux, le vent rusé sifflait. Ils s’arrêtèrent quelques secondes, tendant l’oreille ; ils n’entendaient plus le bruit sur l’échelle de métal. Ils se remirent en route. La lumière de la lampe écartait l’ombre telle une main deux grands rideaux, mais sitôt qu’ils étaient passés, le noir bouclait sa gueule sur leurs pas. Ils grelottaient…le froid… le souvenir de ce bruit au détour de l’ombre… » Page 179
« Toute l’eau de son corps était occupée à suer. Calvin voulut pleurer, mais ses yeux demeuraient secs. » Page 270
On est dans le très bon roman ado qui mélange harmonieusement l’aventure, le thriller et l’horreur et, qui surtout, donne l’occasion de vivre une histoire d’amitié fabuleuse !
Ah que j’ai aimé être aux côtés de ces gosses et comme j’ai aimé que l’auteur ne laissé jamais de côté l’enfance qui les habite. On aurait pu tomber dans un polar version Club des 5 mixé à un Chair de poule réservé à un public averti, mais c’est plus subtil je trouve. Il y a évidemment une enquête couplée à une histoire de monstre (cette créature qui rôde en filigrane), mais il y a surtout ces 6 jeunes (Suzy Michaël, Don, Durham , Georgie , 13 ans et Calvin, 8 ans) attachants, qui ne cessent de vivre comme des gosses de leur âge, qui après avoir découvert des ongles ensanglantés (cette scène dans la cave est un passage assez flippant d’ailleurs) vont retourner à leur vie de gosse, expérimenter leur prototype de fusée (pas sans frôler la grosse sonnerie d’ailleurs…).
En bref : sur fond de seconde guerre mondiale, dans un petit bled paumé américain (Durango), Colorado train est de ses roman ado qui vous marquent.
Thibault Vermot joue avec le suspens grâce, notamment, à cette Chose, cette voix, ce profil qui doucement se dessine. Et il signe là un beau, palpitant et angoissant roman d’amitié. Un premier roman remarquable !
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