Lily King : La pluie et le beau temps
La pluie et le beau temps de Lily King 5/5 (12 mai 2012)
La pluie et le beau temps (487 pages), paru le 15 mars 2012 aux Editions Presses de la Cité, troisième roman de Lily King, est le premier publié en France.
Comment j’ai découvert ce livre ? Cajou a écrit un très beau (et grossier) billet (que je vous conseille d’aller lire) et suite à un commentaire que je lui ai laissé, mentionnant mon intérêt plus que personnel pour ce titre, cette gentille Cajou (qui n’est pas une plume mais une perle) m’a tout simplement offert son livre. Alors merci merci merci Cajou pour ta générosité et de m’avoir tant fait pleurer.
L’histoire (éditeur) :
Nouvelle-Angleterre, dans les années 70. A onze ans, Daley ne connaît qu’un héros : son père, Gardiner. Il est différent des autres, il chante à tue-tête, il plonge dans leur piscine pendant les barbecues, court déshabillé dans le jardin et, surtout, il la fait rire. Ce que Daley ne comprend pas encore, c’est que son père adoré est alcoolique. Bientôt, sa mère demande le divorce, et chacun refait sa vie de son côté. Des années plus tard, Daley sort de l’université, diplôme en poche, bague de fiançailles au doigt. Son frère l’appelle, affolé : leur père a été victime d’un accident cardio-vasculaire, elle doit revenir de toute urgence pour s’occuper de lui. La cohabitation entre Daley et son père est tumultueuse. La jeune fille comprend qu’elle est prisonnière de cette relation abusive et que, si elle veut construire sa propre vie, elle devra trouver le courage de mettre un terme au chantage affectif que lui impose ce père qui fut son idole.
Mon avis :
La pluie est le beau temps est le récit de Daley, son histoire à travers sa relation conflictuelle qu’elle a avec son père alcoolique. Elle commence dans les années 70, quand elle vient d’avoir 11 ans. Sa mère demande le divorce (d’une manière plus que nullissime) et Daley se retrouve vivre entre un père qui refait rapidement sa vie avec Catherine (autant adepte de la Vodka que lui) et sa mère, qui ne lui apporte pas vraiment l’amour et le soutien qu’elle mérite. Elle se réfugie alors dans les livres et tente de se construire...
Dans la seconde partie, 15 ans ont passé, Daley fête ses 29 ans. Elle vient de terminer ses études universitaires et est prête à attaquer une carrière prometteuse avec Jonathan, l’homme qu’elle aime. Alors qu’elle doit partir prendre ses fonctions comme professeur titulaire, son frère l’appelle à l’aide. Leur père, qui vient de se faire larguer par Catherine, est au plus bas et contre toute attente, Daley part lui apporter son soutien. La machine du chantage affectif se remet en route…
Dans la troisième et dernière partie, il s’est écoulé 15 ans, nous sommes en pleines élections présidentielles américaine. Daley, qui est devenir mère, retrouve son père (sans doute pour la dernière fois)….
Dès la première page, on est pris dans les lignes où se mêlent l'affection et la menace qui tient Daley sous l'emprise de son père pour le reste de sa vie. Plus que touchante, cette petite fille m’a totalement émue. Je me suis facilement identifiée à elle et c’est mon père que j’ai retrouvé en Gardiner. Que vous ayez connu ou non une telle expérience, La pluie et le beau temps est un livre très touchant qui soulève le paradoxe de vouloir aimer un homme horrible.
Difficile de dire qui de Daley ou de Gardiner est le personnage principal de ce roman. Lily King a créé un père aussi attirant que détestable. Ah la magie de l’alcool ! Alors qu’il a tout pour être un homme merveilleux (beau et athlétique, diplômé de Harvard, généreux, drôle) il se révèle mari désagréable, père odieux, vulgaire, glauque…Il n’est pas violent ni pervers mais pourtant il est loin d’être un (bon) père. Voilà en fin de compte ce qui est le plus douloureux, Daley qui n’arrive pas à se libérer de lui est balancée entre la crainte de le perdre et celle de rester en sa compagnie. Comme elle, je n’ai pas réussi à haïr cet homme, plus pitoyable que détestable, dont la plus infime attention rachète et efface la peur du moindre excès : colère, humour raciste, propos réducteurs, gestes déplacés, manque de pudeur… Pourquoi essaye-t-elle de le sauver ? Par amour ? Pour elle ou pour lui ? Elle est prête à tous les sacrifices pour avoir un père normal, pour elle avant tout sans doute. Jusqu’au jour où le choix d’aller de l’avant ou de continuer une relation destructrice va s’imposer.
« _ Tu espères le papa que tu n’as jamais eu. Tu attends de lui qu’il efface toutes les taches de ton enfance.
_ Il n’est pas question de moi. Il est question de lui.
_ Je sais qu’il n’est pas question de toi – en apparence, en tout cas. Tu as joliment dissimulé ça derrière un geste de noble sacrifice. » page 327
L’écriture de Lily King est très agréable. Tout en simplicité et sans courbette littéraire, elle arrive à exprimer avec beaucoup de justesse les émotions de Daley. C’est intense et très bien écrit. La pluie et le beau temps est un texte vraiment touchant, voir bouleversant (oui, j’ai beaucoup pleuré). Pourtant le ton donné au récit n’est pas larmoyant, car quelle que soit sa douleur, Daley a un grand cœur et son sens de l'humour est souvent son salut.
Je vous présente mes excuses pour ce billet très « foutoir ». Ce n’était pas évident du tout de vous en parler de façon objective. Certes l’écriture d’un billet sur un blog est avant tout personnelle et relève totalement du subjectif, mais j’aime à garder une part d’objectivité et surtout rédiger un avis constructif. Malheureusement, je n’ai pas vraiment réussi pour le coup (même en ayant pris un peu de recul) et encore en l’écrivant j’ai eu les larmes aux yeux. Il y avait encore d’autres détails à évoquer pour vous parler de ce très bon roman mais quand j’y pense je ne vois que la relation père-fille.
À 18 ans, j’ai coupé le cordon paternel (à l’inverse de Daley, j’ai fait le choix de ne pas le recoller). Depuis, c’est celui de l’absence qui s’est construit au fil des ans. Mon père est là mais nous n’avons plus de contact. Un jour (j’étais mère depuis plusieurs mois) j’ai été prise d’un besoin de lui écrire. Avant que j’ai (ou que je prenne) le temps de rédiger cette lettre, il a appris que j’avais un enfant. Malheureusement, une fois la colère de ne pas avoir été averti passée, il est retourné dans son cocoon d’alcool et n’a jamais voulu connaitre sa petite fille (ni son nom ni son visage)…J’ai vite fait de refouler ce besoin de père, d’amour et d’attention.
La bouteille m’a volé mon père. La tristesse aujourd’hui a pris la place du dégout et de la honte que j’éprouvais plus jeune. Il n’est pas facile de se construire et encore plus sans les bases d’une famille stable pour vous soutenir. J’ai envié Daley qui dans son malheur a tout de même connu la tendresse dans un sourire, un mot (lui dire sa fierté, un pardon), le petit nom qu’il lui donne (« lutin »), une attention (ses cadeaux d’anniversaire) et surtout cette fin que j'ai relue déjà trois fois et qui me fait encore pleurer .
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