Paul Cleave : Ne fais confiance à personne
Ne fais confiance à personne de Paul Cleave 4/5 (08-10-2017)
Ne fais confiance à personne (460 pages) est paru le 31 août 2017 aux Editions Sonatine (traduction : Fabrice Pointeau).
L’histoire (éditeur) :
Il y a pire que de tuer quelqu'un : ne pas savoir si on l'a tué.
Les auteurs de thrillers ne sont pas des personnes très fréquentables. Ils jouent du plaisir que nous avons à lire d'abominables histoires, de notre appétit pour des énigmes qui le plus souvent baignent dans le sang. Ce jeu dangereux peut parfois prendre des proportions inquiétantes et favoriser un passage à l'acte aux conséquences funestes. Eux les premiers, qui pensent connaître toutes les ficelles du crime parfait, ne sont pas à l'abri de faire de leurs fictions une réalité.
Prenez par exemple Jerry Grey, ce célèbre romancier, qui ne sait plus très bien aujourd'hui où il en est. À force d'inventer des meurtres plus ingénieux les uns que les autres, n'aurait-il pas fini par succomber à la tentation ? Dans cette institution où on le traite pour un alzheimer précoce, Jerry réalise que la trame de son existence comporte quelques inquiétants trous noirs. Est-ce dans ses moments de lucidité ou dans ses moments de démence qu'il est persuadé d'avoir commis des crimes ? Quand la police commence à soupçonner les histoires de Jerry d'être inspirées de faits réels, l'étau commence à se resserrer. Mais, comme à son habitude, la vérité se révèlera bien différente et bien plus effroyable que ce que tous ont pu imaginer !
Mon avis :
Jerry Grey, cinquantenaire, ancien auteur de thrillers à succès, est atteint de démence précoce. Il vit depuis un an en maison de santé, oscillant entre des moments de lucidité où il doit sans cesse réapprendre qui il est et ce qu’il fait ici, et des épisodes d’hallucination pendant lesquels il s’accuse régulièrement de meurtre commis il y a une trentaine d’année. Sa fille étant relativement peu présente (et pour cause !!!!), il est désormais seul, livré au personnel médical qui tente au mieux de gérer ses passages de grande confusion mentale.
Lorsque des meurtres sont perpétrés, coïncidant étrangement avec ses fuites de la maison de santé, la police ne tarde pas à s’intéresser à lui. Il n’a alors pas d’autre choix que de demander de l’aide à son vieil ami Hans, un gars peu recommandable mais d’une grande fidélité….
Mais lorsque vous-même vous ne savez plus qui vous êtes et que tout porte à croire que vous avez trempé dans ses différentes affaires de crimes, comment prouvez votre innocence ?
Paul Cleave réussit avec sa verve pleine d’humour à nous enfoncer dans un roman qui reprend une idée de base pas mal exploitée déjà mais les explore ici avec encore beaucoup d’originalité. A la maladie personnifiée qu’il dépeint avec un réalisme saisissant, il ajoute un soupçon de doublement de la personnalité, un carnet de bord écrit par lui-même à lui-même un an plus tôt (alors tout juste diagnostiqué), pas mal d’indices l’incriminant clairement mais une personnalité touchante que l’on a envie de croire innocente. Pas facile donc de se situer dans ce roman et malgré un scénario qui avance au début doucement (sans malgré tout donner au lecteur un sentiment de lenteur, grâce à la dimension comique, l’ironie tenace et le style mordant qui allègent l’histoire et surtout grâce à l’alternance du récit présent et le passé, via le journal de bord) je dois avouer que Ne fais confiance à personne m’a scotchée aussi bien aux pages qu’au personnage de Jerry. J’ai trouvé cette lecture vraiment exaltante.
Misant aussi bien sur le fond (avec l’avancée d’Alzheimer à vitesse grand V) que sur la forme (le travail stylistique accentue ici nettement la confusion), Paul Cleave donne au lecteur un sentiment troublant de malaise face à la maladie et d’inquiétude face à une éventuelle responsabilité du personnage dans cette série de crimes. Il y a un côté tragique à son histoire qui soulève encore un peu plus d’empathie chez le lecteur et un vif désir de découvrir le mot de la fin (dont j’ai fini par me douter sans pour autant gâcher mon plaisir de lecture).
Si vous ne connaissez pas encore Paul Cleave, il serait temps de découvrir cet auteur. Le ton de sa narration est différent de bien des auteurs de thrillers et le contraste entre la dimension comique et le côté sombre des scénarios est vraiment quelque chose d’appréciable. Ne fais confiance à personne est un roman qui vous laisse très longtemps dans le flou (ça peut déranger) mais l’auteur le fait avec maîtrise je trouve. On sent là toute la détresse et la tourmente de son personnage et c’est ce qui fait vraiment la force de ce nouveau thriller.
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