Nujeen Mustafa et Christina Lamb : Nujeen, l'incroyable périple
Nujeen, l'incroyable périple de Nujeen Mustafa et Christina Lamb 3,75/5 (10-11-2016)
Nujeen, l'incroyable périple (302 pages) est disponible depuis le 2 novembre 2016 aux Editions HarperCollins (traduction : Fabienne Gondrand).
Recommandé par l’UNICEF
L’histoire (éditeur) :
En 2015, Fergal Keane, journaliste à la BBC, repère dans la foule des migrants une adolescente en fauteuil roulant. Emu et admiratif devant tant de cran, il recueille son témoignage. Aussitôt, les medias et les réseaux sociaux s’enflamment…
Avec la collaboration de Christian Lamb, Nujeen raconte comment elle a trouvé le courage de s’engager dans ce dangereux périple de 6 000 kilomètres, depuis la Syrie jusqu’à l’Allemagne en passant par la Grèce et la Hongrie…
Un récit porté par l’incroyable détermination de Nujeen et le principe auquel elle n’a pas dérogé : ne jamais être une victime.
Mon avis :
Plutôt journalistique, Nujeen L’incroyable périple n’en demeure pas moins un récit aussi touchant que divertissant par le ton de la jeune fille plein de vie, d’espoir et parfois aussi d’auto-dérision que la co-auteure a su conserver.
Christina Lamb, correspondante de guerre a décidé de donner un visage à cette masse, de plus en plus importante, de réfugiés. Elle a découvert l’existence de la jeune fille en fauteuil roulant, une des rares à parler anglais, à la frontière Hongroise, et a tout de suite été fasciné par elle qui manifestait un réel enthousiasme à l’idée de pouvoir témoigner et donner une autre image des migrants (top souvent perçus comme une maladie).
Nujeen, petite dernière d’une fratrie de 9 enfants (certains déjà grands et partis du domicile familiale) est née atteinte de paralysie cérébrale et d’asthme sévère. Son état de santé a obligé la famille à quitter le petit village de Manbij au nord de la Syrie pour la grande ville d’Alep où ils emménagent au 5ème étage dans un grand appartement avec télé. La petite exclue de toute vie sociale découvre avec le poste un salut et une ouverture sur le monde et la connaissance (les reportages et le soap américain qu’elle ne loupe sous aucun prétexte deviennent sa seule occupation). Mais la situation politique se dégrade très vite et après la dictature (de B. Al Assad) et la révolution (sorte de printemps arabe qui malheureusement ne connait pas les mêmes retours que dans les pays alentours), c’est la guerre (Daech prend le contrôle) qui impose à Nujeen, deux de ses sœurs et ses cousins, un départ pour l’Europe et l’Allemagne…
Même si le style est très fluide et l’enthousiasme (parfois teinté de mauvaise humeur touchante) de Nujeen est omniprésent, ce titre est un concentré d’informations et de faits qu’il est difficile d’ignorer pour comprendre les enjeux et les conséquences (politiques et sociales) que nous connaissons (que partiellement) aujourd’hui. Même si l’histoire de Nujeen est particulière (du fait de son fauteuil, qu’elle a d’ailleurs appris à utiliser comme un avantage), c’est l’histoire de beaucoup d’autres également…et malheureusement de beaucoup qui n’ont pas eu la chance d’arriver jusqu’au bout… Nujeen en croisera beaucoup sur sa route…
Christina Lamb a réussi, avec ce document, à nous faire comprendre un peu mieux d’où vient le conflit, à nous faire percevoir les embuches (qu’on est loin d’imaginer) et tout ce qui touche au migrants ((les passeurs et tous les systèmes liés à la fermeture des frontières) de manière beaucoup plus humaine. Car malgré tout ce travail journalistique, elle arrive à nous happer presque comme dans un roman et à très bien retranscrire la force de caractère de cette enfant kurde (la langue reste vivante et jeune) qui ne se pose jamais comme victime.
De bout en bout passionnant et touchant, Nujeen l’incroyable périple est un récit à découvrir absolument. Nujeen est un personnage incroyable, une jeune fille intelligente, pleine de caractère et d’une force de caractère peu commune. Inoubliable et surtout admirable. Elle réussit, avec l’aide de Christian Lamb, à donner une voix à tous ces migrants que l’on ne voit pas toujours d’un bon œil débarquer près de chez nous et à faire. Qu’aurions nous fait à leur place ?
« On dit que l’histoire est écrite par les vainqueurs, mais il y a quelque chose que je ne comprends pas : pourquoi est-ce que nous sommes toujours fascinés par les méchants ? Ils ont fait des choses horribles et pourtant nous parlons d’eux comme des chefs militaires brillants et charismatiques.
Je déteste le fait que je ne connaissais rien sur les bonnes gens mais tout sur les mauvais. Je ne sais vraiment rien sur la vie de Grandi ni de celle de Nelson Mandela. Jusqu’à la coupe du monde en Afrique du sud, je n’avais pas entendu parler de Mandela. Alors pourquoi j’en sais autant sur Staline et Hitler ? (…)
Staline a tué 6 millions de personnes dans ses goulags et pendant les Grandes Purges. Le régime d’Hitler a été encore plus meurtrier : 11 millions de morts et 17 millions de réfugiés. Je peux vous parler de Staline et d’Hitler, mais d’aucune de leurs victimes. Est-ce que ce sera la même chose avec Assad dans cinquante ans ? Sans doute. Les gens sauront tout de lui mais rien des bonnes gens de la Syrie. Nos ne seront que des nombres, Nasrine, Bland, moi et tous les autres, tandis que le tyran entrera dans l’histoire. Cette pensée est effrayante. » Page 75-76
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