Libre-R et associés : Stéphanie - Plaisir de lire

Libre-R et associés : Stéphanie - Plaisir de lire

Mindy Mejia : Qui je suis

Qui je suis de Mindy Mejia    4/5 (04-06-2018)

 

Qui je suis (396 pages) est disponible depuis le 2à mars 2018 aux Editions Mazarine.

 

2.jpg

 

L'histoire (éditeur) :

 

Ce roman retrace la dernière année de la vie d'Hattie Hoffman, dont le corps poignardé a été découvert dans la petite ville tranquille de Pine Valley. Bonne élève, cette jeune fille sage et apparemment sans histoire entretenait une relation secrète, dont la révélation aurait eu des conséquences désastreuses.

 

Mon avis :

 

Le 12 avril 2008, dans la grange abandonnée du vieil Erickson, le corps d’une jeune femme est retrouvé, le visage mutilé et le haut du corps gonflé d’avoir été plusieurs heures immergé dans l’eau, au point de la rendre inidentifiable. Mais d’emblée le shérif du comte, Del Goodman, a la certitude qu’il s’agit d’Hattie Hoffman, disparue depuis peu.

Goodamn et ses adjoints vont alors se plonger dans une enquête délicate au cœur d’une communauté soudée, dans une petite ville calme où peu de délits ont lieu (essentiellement liés à des violences conjugales ou des problèmes de drogue) et où tout le monde se connait (la victime étant d’ailleurs la fille de son camarade de chasse et meilleur ami).

 

Qui je suis démarre sur une fuite qui jette le trouble dans l’esprit du lecteur et laisse entrapercevoir une personnalité trouble et moins lisse qu’elle ne laisse entendre. Deux mois avant la remise des diplômes au lycée, Henrietta Su Hoffman, 18 ans,  choisit sur un coup de tête de partir, une enveloppe pleine de billet dans la poche, quitter Pine Valley pour rejoindre son rêve : New York.

« Voilà ce qui arrivait quand vous acceptiez d’être dépendante de quelqu’un.

Voilà le genre de merde qui vous deveniez quand vous tombiez amoureuse.

J’étais tellement heureuse, tellement libre et au-dessus de tout, quand j’étais entrée en terminale à l’automne. Cette Hattie-là était prête à partir à l’assaut du monde, et elle l’aurait fait, nom de Dieu, elle aurait pu faire n’importe quoi. Et maintenant, je n’étais plus qu’une épave, pathétique et larmoyante. J’étais devenue la fille que j’avais toujours détestée. » Page 14

Trois semaines plus tard, elle est retrouvée assassinée. L’identité de la victime est confirmée mais rien n’arrive à expliquer ce drame terrible. Un suspect est très vite mis naturellement désigné : le petit ami d’Hattie avec qui elle venait de rompre. Mais le lecteur sait (au même titre que le Shérif) que les choses ne sont pas si simples et que le jeune garçon est innocent.

A force de creuser, une fouille de l’ordinateur de la victime fait apparaitre des discussions avec un certain LG et alors un nouveau profil se détache révélant une relation épineuse, forte et gênante en toile de fond. Mais qui était vraiment Hattie ?

« J’avais joué la comédie tout ma vie et, jusqu’à présent cela ne m’avait conduite qu’ici, à ce premier jour de terminale au lycée de Pine Valley. » Page 63

 

Hattie, passionnée de théâtre et talentueuse actrice,  est une jeune fille qui se façonne en fonction de son interlocuteur. Etait-elle  une jeune fille amoureuse, véritablement amoureuse, mais de la mauvaise personne ? Ou bien  s’agirait-il d’une manipulatrice qui joue avec les autres pour obtenir ce qu’elle veut, être tranquille et arriver à ses fins, être aimée ? Etait-elle aveuglée par l’amour, pleines de promesses innocentes qui est peu à peu tombée dans la folie, dans un délire possessif ?

« O.K. une fille discrète et simple. Je lui offris une autre rondelle d’oignon frit et regardai son visage s’éclairer. Il aimait bien qu’on le nourrisse. La liste des caractéristiques s’allongea. Et c’est ainsi que la petite amie de Tommy Kinakis commença à prendre forme. » Page 192

« C’est de la comédie, Peter, rien de plus.

-Non. Les actions d’une personne façonnent ce qu’elle est. Tu ne peux pas être démocrate si tu votes républicain. Tu ne peux pas te dire végétarien su tu manges du steak. Dans ton cas, tes actions ne s’additionnent pas pour donner une personne unique. Je t’observe Hattie. (…) Tu dis que c’est de la comédie, mais en réalité, tu te fractures en milles pièces, et chaque fois que j’en découvre une nouvelle, tu es déjà ailleurs. Tu deviens quelqu’un d’autre, une foule d’ « autres ». Et je finis par me demander s’il existe une personne nommée Hattie Hoffman. Je me dis que toute cette histoire  n’est peut-être qu’une hallucination. » Page 267

 

Sans miser sur la tension ni sur l’action, avec un scénario qui pourrait s’apparenter à tant d’autres (mais qui au final trouve sa voie et son originalité), Qui je suis centre son intrigue sur ses personnages. A travers un développement soigné, Mindy Mejia déroule une histoire délicatement sombre de rêves brisées et de déceptions.

 

En parallèle à l’enquête, se dévoile la dernière année de la victime, sa voix s’entremêlant à celle d’un autre personnage phare, peinant lui aussi à trouver sa place dans cette petite ville de Pine Valley. Ainsi, tour à tour, les narrations de l’un, de l’autre, et celle du policier chargé de l’affaire se déploient, formant des portraits fascinants et révélant un cocktail explosif fait d’amertume, de désir et de culpabilité…

 

Au final, même si le titre  revêt une certaine forme de prévisibilité, j’ai trouvé que Mindy Mejia avait construit là un roman vraiment captivant. Elle choisit de dérouler son histoire de manière a délibérément manifester des signes plus qu’évocateurs concernant la responsabilité de certains et d’ôter toute forme de surprise. Cependant, l’intérêt ne réside pas véritablement là, il s’agit avant tout de mettre en exergue une personnalité, victime et coupable… Et de ce point de vue c’est très bien exploité.



28/06/2018
1 Poster un commentaire

A découvrir aussi


Inscrivez-vous au blog

Soyez prévenu par email des prochaines mises à jour

Rejoignez les 292 autres membres