Libre-R et associés : Stéphanie - Plaisir de lire

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Megan Abbott : Vilaines filles

Vilaines filles de Megan Abbott    4/5 (08-11-2013)

 

Vilaines filles (376 pages) est paru le 30 octobre 2013 aux Editions JC Lattes.

 

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L’histoire (éditeur) :

 

Addy et Beth sont fortes, dures à cuire, inséparables et invincibles. Membres de l’équipe de pom-pom girls du lycée, « parce qu’il faut bien quelque chose pour occuper le vide de l’adolescence ». Elles sont parfaites : leurs jambes galbées, leur ventre plat, leurs queues-de-cheval de la même longueur, leur maquillage irréprochable. Une nouvelle coach arrive au lycée et les choses commencent à changer. Grande, belle, intimidante, elle est parfaite elle aussi et place beaucoup d’espoir dans l’équipe. Toujours élégante, autoritaire, la coach mène la danse et les filles tombent vite sous sa coupe. Elles sont prêtes à tout pour obtenir ses faveurs : devenir sans cesse plus rapides, plus fortes, plus résistantes et plus minces, quitte à se faire vomir. Leur monde insipide et sans profondeur se resserre. Mais un jour, la coach franchit la ligne de trop…

 

Mon avis :

 

Après La fin de l’innocence, qui touche à la sexualité à ‘aube de l’adolescence et Red Room Lounge qui concentre son intrigue sur des relations familiales féminines, c’est au tour de Vilaines filles d’ébranler une nouvelle fois les relations entre jeunes filles (de 14 à 17 ans). L’image que l’on se fait de l’amitié n’est pas ici édulcorée, mais est au contraire conflictuelle, sournoise, inquiétante et malsaine.

 

« Au départ, être cheerleader, c’était pour occuper mes journée, toutes nos journée.

De quatorze à dix-huit ans, une fille a besoin de tuer ce temps, cette attente interminable, cette démangeaison, à chaque heure, chaque jour, avant qu’il se passe enfin un événement, n’importe quoi. » Page 16

 

C’est chez les pom-pom girls du lycée de Sutton Grove que Megan Abbott nous emmène. Avec l’arrivée d’une nouvelle coach, l’univers et le quotidien des cheerleaders changent. Le temps des jeunes ado négligées et juvéniles prend fin. Place au travail, aux sanctions, à la souffrance et la discipline. Les règles et surtout la place de chacune des filles qui composent l’équipe des Eagles est modifiée et ce n’est pas pour plaire à Beth Cassidy, la capitaine, qui voit alors une concurrente, une menace même, en Colette French, une jeune femme jolie, respectée, qui lui retire sa place de leader et surtout l’objet de fascination des autres et en particuliers d’Adelaïde Hanlon, dite Addy, la lieutenant et meilleur amie de toujours de Beth. Quand en plus, un homme fait son entrée dans le lycée (Will, sergent recruteur de l’armée) et dans la vie des filles, les relations deviennent de plus en plus hostiles. Beth, vicieuse manipulatrice est prête à tout pour avoir ce qu’elle veut : amitié exclusive, attentions masculines, pouvoir... Jusqu’à quel point ? Jusqu’au suicide…

 

« Le visage de Tacy passe du vert ay blanc, puis au gris. Beth et son pouvoir de détruite d’un  seul souffle. Il y a deux mois, Tacy galopait dur à ses côtés, larbin sous son emprise écrasante. Oh les revers de la fortune… » Page 236

 

Les personnages de Vilaines filles (quels qu’ils soient) ne sont pas spécialement porteurs d’un capital sympathie élevé. Impossible de m’identifier à l’une d’elles, ou bien même de m’y attacher. C’est loin d’être un aspect négatif dans la lecture de ce roman, puisque Megan Abbott s’attache justement à ne pas leur donner une image attrayante. On s’inquiète tout de même un peu pour Addy, la narratrice, embarquée dans une sombre histoire (malgré elle ?) et  malmenée de part et d’autres, mais un sentiment de méfiance à son égard s’installe néanmoins, comme si quelque chose clochait… c’est encore là le brio de l’auteur de semer le trouble dans la tête du lecteur qui s’attend bien évidement à voir les personnages poussés dans leurs derniers retranchements et leur véritable personnalité dévoilée.

 

 « Avec Beth, si pleine de mensonges, vous pouvez passer outre le mensonge pour découvrir la réalité plis profonde qui le sous-tend. Car Beth ment presque tout le temps, pour n’importe quoi, mais le mensonge est sa façon de révéler autre chose, une chose enfouie ou ignorée.

Vous devez continuer à jouer, et peut-être que la vérité se dévoilera, peut-être que Beth se lassera et finira par abattre ses carte. Ou peut-être que ça sera de l’amuser et qu’elle vous jettera cette vérité au visage, vous faisant pleurer. » Page 289

 

L’auteure commence son roman avec du mystère,  par la découverte de quelque chose de grave et de secret, que l’on devine comme un drame. En trois pages, Megan Abbott pose les bases et nous entraîne dans la vie d’Addy quatre mois plus tôt, à l’arrivée de la nouvelle coach, Colette French. Le côté polar (avec le suicide d’un des personnages) passe au second plan de l’intrigue (qui, il faut bien le reconnaître, est assez mince).  Le dénouement reste une surprise même si les interrogations et l’enquête liées à cette mort n’ont pas été mes motivations. C’est davantage la fascination à l’égard de ces personnages féminins qui a conduit ma lecture. Megan Abbott conserve sa grande maîtrise de la psychologie de ses protagonistes et son style qui impose une ambiance particulièrement sombre et dérangeante, si appréciables.

 

L’obsession, le désir, la compétition, le désespoir, l’amitié (dans ses bons et surtout ses mauvais côtés) inondent le roman d’idées inquiétantes qui mettent mal à l’aise. Ne mettez surtout pas ce texte entre les mains d’adolescentes car les pom-pom girls n’ont pas le glamour et les paillettes que l’on s’imagine. La réalité est loin d’enjoliver la réalité. J’ai d’ailleurs été très surprise par l’univers impitoyable des cheerleaders. Le danger est très présent et ajoute une part de tension supplémentaire à l’histoire.

 

« Travailler dur et crois en toi. Voilà  ce qu’ils nous disent toujours. Mais en vérité, ce n’est pas du tout ça. Ce sont les choses que vous ne pouvez pas exprimer à voix haute, c’est savoir que ce que vous faites, grimper, sauter, se jeter dans le vide, s’agripper les unes aux autres par le bras, les jambes, pour créer une chose qui s’écroulera à cause d’un genou qui cafouille ou d’un poignet qui se tord.

Vu de l’extérieur, a dit Emily, osant dire ce que vous n’êtes pas sensé dire, c’est comme si vous cherchiez à vous entretuer et à vous suicider.

C’est savoir que ce que vous faites toutes ensemble est la construction la plus fragile qui soit, cassante comme du verre filé, animé par la magie et l’abandon, votre corps faisant des choses dont votre tête le sait incapable, vos corps soudés pour défier la pesanteur, la logique, la mort elle-même.
S’ils vous disaient tout cela, jamais vous ne deviendriez une cheerleader. Ou peut -être que si. » Page 332-333

 

Pas mon préféré (l'ambiance plus hitchcockienne de Red Room Lounge m'ayant plus subjuguée) mais encore un bon Megan Abbott !

 

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09/11/2013
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