Lucy Christopher : Lettre à mon ravisseur
Lettre à mon ravisseur de Lucy Christopher 3,5/5 (23-11-2013)
Lettre à mon ravisseur (352 pages) est paru le 9 septembre 2010 chez Gallimard Jeunesse dans la collection Scripto.
L’histoire (éditeur) :
Ça s'est passé comme ça.
J'ai été volée dans un aéroport.
Enlevée à tout ce que je connaissais, tout ce qui était ma vie.
Parachutée dans le sable et la chaleur.
Tu me voulais pour longtemps.
Et tu voulais que je t'aime.
Ceci est mon histoire.
Une histoire de survie.
Une lettre de nulle part.
Mon avis :
Quelle expérience ! Si j’ai eu l’occasion à de nombreuses reprises de lire des roman abordant le sujet de la séquestration (féminine), il m’en a été rarement donné d’en découvrir d’aussi poussé dans le thème du Syndrome de Stockholm. A vrai dire la plupart des titres ayant ce thème au centre de l’histoire étaient plus tournés vers la violence, la privation et tout le toutim, ce qui ne donnait pas vraiment à réfléchir et tranchaient catégoriquement dans la perception du bourreau.
Dans Lettre à mon ravisseur, Gemma Toombs, une ado de 16 ans, est abordée par un beau jeune homme (qu’elle pense avoir déjà croisé quelque part…). Alors qu’elle attend la correspondance pour le Viêt-Nam avec ses parents (posés un peu à l’écart), il lui offre un café, le dialogue s’installe et elle se confie avec une facilité déconcertante… Droguée, elle est ensuite déguisée pour être enlevée sans que personne ne se rende compte de rien. Elle se réveille quelques jours plus tard au milieu de nulle part, en plein désert australien. Inutile de tenter quoi que ce soit, comme appeler à l’aide ou bien même de s’enfuir (ce qu’elle tentera évidemment)…Gem est condamnée à vivre avec ce ravisseur, qu’elle va apprendre à connaître.
J’ai été rapidement touchée par Gemma qui a pour ainsi dire tout pour être heureuse dans sa vie à Londres (et même un caractère d’enfants pourrie gâtée). Quand elle se retrouve dans ce grand vide et ce silence, elle passe par différentes émotions que j’ai trouvées crédibles et logiques. Pas vraiment de panique, beaucoup de colère et de peur. Elle tente de dépasser ces sentiments pour survivre. Commence alors une vraie prise de conscience et un besoin de comprendre cet homme pour tenter de s’en sortir.
J’ai éprouvé aussi beaucoup d’empathie pour Ty. C’est un garçon fragile (qui n’a pas tous ses esprits et qui fait une vraie bonne grosse fixation sur Gemma depuis qu’elle a 10 ans, c’est vrai !) mais qui n’a pas un mauvais fond. Même si ses méthodes ne sont pas les bonnes, il essaye de la sauver de ce qu’il croit être une vie de perdition. C’est loin d’être le stéréotype du méchant (au contraire !) et c’est sans doute pour cela que la lecture devient de plus en plus nuancée à mesure que la cohabitation s’instaure. Sa dévotion pour Gem le rend à la fois malsain et tragique.
Le style de Lucy Christopher est très abordable. Elle mélange des données scientifiques propres au désert australien à travers les connaissances de Ty, à une écriture attractive personnelle à Gem. Ce roman épistolaire se compose d’une seule et unique lettre que la victime adresse à son ravisseur. Pourquoi ? Mystère…on sait d’emblée qu’elle ne finit pas mal (du moins qu’elle ne meurt pas) mais on est loin de s’imaginer jusqu’où va l’entraîner cet enlèvement. De plus, le décalage dans l’écriture de la lettre (avec l’utilisation du Tu) et les dialogues directs où le vouvoiement est présent du début à la fin, laisse supposer un changement profond dans l’esprit de Gemma. Ce point m’a vraiment poussée à comprendre comment leur relation a pu évoluer à ce point.
Enfin, le cadre est magnifiquement décrit. Pas forcément tout en beauté mais avec beaucoup de réalisme, en mettant sur le même plan difficultés et cruautés de la nature (chaleur, désert, soleil, animaux sauvages…) et une belle communion avec cette dernière.
Lettre à mon ravisseur est un roman intéressant, qui se lit facilement et qui a le mérite de changer des autres lectures jeunesses.
Lettre à mon ravisseur a reçu le Prix Farniente 2012, catégorie "Deux baskets" 15 ans et + (prix littéraire organisé par la Ligue des Familles en Belgique), le Prix Livrentête 2011-2012, catégorie ado (remis par l'association "Bibliothèque pour tous") et le Prix Escapages 2012.
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