Karen Thompson Walker : L’âge des miracles
L’âge des miracles de Karen Thompson Walker 5/5 (06-06-2012)
L’âge des miracles (331 pages) est le premier roman de Karen Thompson Walker, publié le 16 mai 2012 aux Editions Presses de la Cité. Je remercie Babelio et les éditions Presses de la Cité pour ce très beau partenariat.
Voilà une maison d’édition que j’affection de plus en plus.
Presses de la cité a fait le choix de publier ce roman dans deux catégories : adultes et adolescents (d’où deux couvertures différentes) car, grâce à ses deux sujets dominants (fin du monde et l’adolescence), il a la particularité de pouvoir toucher un large public.
L’histoire (éditeur) :
Une journée d'octobre apparemment comme les autres, l'humanité découvre avec stupeur que la vitesse de rotation de la Terre a ralenti. Les jours atteignent progressivement 26, 28 puis 30 heures. La gravité est modifiée, les oiseaux, désorientés, s'écrasent, les marées se dérèglent et les baleines s'échouent... Tandis que certains cèdent à la panique, d'autres, au contraire, s'accrochent à leur routine, comme pour nier l'évidence que la fin du monde est imminente. En Californie, Julia est le témoin de ce bouleversement, de ses conséquences sur sa communauté et sa famille. Adolescente à fleur de peau, elle est à l'âge où son corps, son rapport aux autres et sa vision du monde changent : l'âge des miracles. Entre roman d'anticipation et roman d'apprentissage, L'Age des miracles est un livre visionnaire sur la capacité d'adaptation de l'homme, poussée ici à son paroxysme.
Mon avis :
Julia, californienne de 11 ans, nous raconte son quotidien et les faits marquants depuis l’annonce publique du ralentissement de la vitesse de rotation de la terre. Vu par les yeux d’une enfant, son récit ne s’oriente (heureusement) pas qu’autour de la fin du monde, mais aborde également ses problèmes d’ado, qu’ils soient ou non liés à la tragédie. Car bizarrement, bien qu’il s’agisse d’un événement catastrophique, le monde continue de tourner (et c’est le cas de la dire). Le quotidien, bien qu’affecté, suit son cours : on va au travail, au restaurant, les maisons se vendent et s’achètent, les cours continuent… On est loin de la panique générale et Julia reste une ado (un peu gauche et mal dans sa peau) comme tant d’autres.
Témoin des modifications, elle nous raconte l'impact du phénomène sur le monde, sur les citoyens, sur sa famille et sur elle-même. Ainsi, outre les effets directs sur la nature et sur l’humanité, elle nous fait part des changements moins visibles mais plus personnels : les séparations, les premiers amours, les amitiés brisées, la vie familiale qui s’étiole…
Contrairement à d’autres scénarios apocalyptiques qui plongent rapidement le lecteur dans l’horreur, L’âge des miracles traite des événements de façon progressive et discrète permettant au lecteur d’imaginer les conséquences d’un tel effet (et c’est super effrayant !). Au tout début, les changements sont à peine perceptibles, mais au bout de 9 mois, les journées durent déjà 72 heures. Tandis que la nature commence à périr (entre des journées accablantes de chaleur, des nuits glaciales, une gravité bouleversée…), la société se divise progressivement en deux groupes : les adeptes du système horaire (calés sur la journée de 24 heures qu’il fasse nuit ou jour) et les adeptes du système solaire (calés sur le rythme de la nature), avec parfois entre les deux quelques tensions et incompréhensions. J’ai d’ailleurs apprécié le fait que Julia rapporte le point de vue et les réactions de diverses communautés et agréablement surprise de voir une telle diversité : mormon, catholique, témoin de Jéhovah, adepte de l’astrologie, hippie…
Même si beaucoup de questions restent sans réponse et qu’aucune explication ne justifie le ralentissement de la rotation terrestre, le récit reste très bien construit et crédible. Tout m’a semblé réel au point de me faire froid dans le dos. Je me suis posé beaucoup de question ? Est-ce que cela pourrait se produire dans notre futur proche ? Que ferions-nous dans une telle situation ? Quelles seraient nos réactions ?
Coté personnage, le récit n’en est pas spécialement riche. Il n’y a aucun héros, juste des gens normaux : Julia, ses parents, son grand père (que j’ai beaucoup aimé), Seth (pour qui son cœur bat la chamade), Sylvia (sa prof de piano), Hannah, Michaela et Gaby (ses amies plus ou moins proches)…. Même si j’ai un tantinet regretté un manque de développement dans certains portraits (Seth en particulier aurait mérité un peu plus de profondeur), j’ai adoré suivre plus particulièrement Julia, qui est extrêmement touchante. Ses réactions sont toutes crédibles (il n’y a aucune exagération) et sa sensibilité permet une empathie assez forte.
L’écriture de Karen Thompson Walker est très agréable. Le choix d’une narration à la première personne apporte un peu de légèreté au sujet et surtout beaucoup de sensibilité. On est loin d’un récit plein d’action où l’on se bat pour sa survie. Et pourtant, il est tout autant terrifiant. La fin du roman, écrite au présent, apporte un peu d’espoir même si le pouvoir de l’homme reste vraiment insignifiant. Elle est à la fois naïve et effrayante (à l’image du tout le récit).
Conclusion : L’âge des miracles est un roman catastrophe captivant, sombre, et magnifique. J’ai adoré cette fiction plus que plausible et vous la conseille vivement. C’est une bonne équation entre le roman d’anticipation et le roman d’apprentissage, qui vous serrera le cœur autant qu’elle vous inquiétera.
" Plus tard, je me ferais la réflexion que, durant ces premiers jours, nous avions pris conscience, en tant qu'espèce, que nous nous étions alarmés pour les mauvaises raisons : trou dans la couche d'ozone, fonte des calottes glaciaires, virus du Nil accidental, grippe aviaire ou porcine, abeilles tueuses. Cela dit, je suppose que le danger ne surgit jamais vraiment là où on l'attend. Les véritables cataclysmes relèvent toujours de l'imprévue, de l'impensable, de l'inconnu. " Page 42
"C'était le collège, l'âges des miracles, celui où les élèves prennent près de dix centimetres durant l'été, où les poitrines s'épanouissent d'un coup, où les voix plongent et s'envolent. " page 58
Je vous invite à aller lire les billets de Cajou et de Melo, qui ont toutes les deux également aimé ce roman, même si elles lui ont trouvé un léger manque de dynamisme.
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