Julie Gouazé : Quand on parle de Lou
Quand on parle de Lou de Julie Gouazé 4/5 (30-11-2018)
Quand on parle de Lou (160 pages) est sorti le 4 octobre 2018 aux Editions Belfond.
Site de l’auteure Julie Gouazé
L’histoire (éditeur) :
" Elle s'appelle Lou et demain elle change de tanière. Elle prend ses louveteaux dans sa gueule pour les emmener ailleurs. Elle défait son couple. Elle déconstruit sa famille. Elle va bâtir sa vie. "
C'est avec le cœur serré mais une volonté de fer au fond de sa poche que Lou quitte Marc, l'homme de sa vie. Elle part avec leurs deux enfants. La rage au ventre, elle subit les assauts du monde extérieur devenu féroce. D'abord à terre offrant sa gorge à la morsure, Lou, devenue chef de meute, petit à petit renaît. Puis elle tombe à nouveau amoureuse. D'une femme.
Comme dans un conte pour enfants, faussement naïf et terriblement cruel, Julia Gouazé livre avec force et authenticité le combat de Lou contre l'homophobie, révélant le courage de tout laisser derrière soi alors que l'on avait tout pour soi.
Mon avis :
« Marc et Lou sont bien embêtés, imbriqués dans des histoires de cul emmêlées, de mensonges des deux côtés. Da pagailles désordonnées et de mots jetés à la figure. » Chapitre 2
Lou est une louve qui va prendre sa revanche sur la vie, sur sa vie et sur celle des autres. Après avoir la femme de Marc, elle n’est aujourd’hui plus rien, après avoir été plongée dans un monde de paillettes dont elle est désormais étrangère, elle ne trouve plus sa place. Alors par la force du destin et une délicieuse rencontre, Lou va devenir elle et heureuse, tant pis pour les regards et les qu’en dira-t-on.
« Elle s’appelle Lou et demain elle change de tanière. Elle prend ses louveteaux dans sa gueule pour les emmener ailleurs. Elle défait son couple. Elle déconstruit une famille. Elle va se bâtir sa vie. La leur. A tous les trois. Car dans ses cartons, elle emporte des sourires d’enfants. » Chapitre 7
« L’appétit vient en mangeant. Le désir revient en aimant. A nouveau ? Commencer par soi. Lou recommence à s’aimer. Un peu. » Chapitre 8
« Lucie répare tout. Tous les jours un peu plus, elle l’habille de mots tendresse et de gestes doux. Elle décolle les petits éclats de colère et le feu qui emprisonnent. » Chapitre 45
Quand on parle de Lou est un délicat roman qui parle d’amour, de désirs et d’homosexualité mais également de divorce, de regards critiques d’une société bien trop étriquée et de tolérance.
« Lou à cheval entre deux mondes. Les deux pieds pris dans la glaise. Lou coupée en deux.
Les amitiés et les rencontres. Les trahisons et les déceptions. Lou regarde d’un côté et de l’autre. Elle navigue entre les icebergs, sourires de glace et mains tendues. Elle surfe sur une vague chaude et se fracasse la gueule sur le sable râpeux.
Qu’importe. » Chapitre 3
Julie Gouazé, que je découvre, use là d’un style très particulier aux phrases très courtes, aux répétitions et surtout aux jeux de mots (l’auteure joue avec leur sens, leur son) et de métaphores (filées) qui parlent tant aux lecteurs, qui signifient tellement qu’en quelques mots tout est dit. J’ai trouvé là une fantaisie et une poésie qui m’ont charmée. Vraiment, je me suis délectée de ses mots, de l’émotion et la subtilité qui s’en est dégagées.
« Lou a fondu comme un bonhomme de neige au soleil. Elle s’est évaporée. Comme dans les films de science-fiction. Comme si rien ne s’était passé. Les années écoulées sont dans un autre espace-temps. Elles sont du sable qui file entre les doigts secs et ne laisse aucune trace. Sauf le souvenir d’une fausse douceur. Une caresse envolée. Les blessures d’amitié sont plus douloureuses encore que les chagrins d’amour. Elles viennent mordre l’intérieur du ventre et tourmentent la tête. Elles tiennent bon face aux discours sages et apaisants. Elles sont plaies ouvertes qu’un rien vient raviver. Les blessures de trahisons viennent ravager le cœur. » Chapitre 17
Ce roman écrit à la troisième personne (qui donne l’impression ainsi d’une certaine froideur dans la forme) est une belle histoire. L’histoire d’une femme qui choisit de faire face coute que coute pour être heureuse, choisissant de quitter son mari et son univers pour celui de l’amour du même sexe malgré tout, prête à endurer beaucoup (même le jugement de ses amis) mais surtout prête à se battre pour la vie qu’elle a choisie !
« C’est le différend qui dérange. Celui que l’on ne peut expliquer. Celui qui fait peur aussi. » Chapitre 45
Alors il y a là pas mal de désillusions et de colère.
« « Au village, dans prétention,
J’ai mauvaise réputation.
Qu’je m’démène ou qu’je reste quoi,
Je passe pour un je-ne-sais-quoi. »
Un je-ne-sais-quoi qui couche avec une femme ;
Finalement, ça semble moins grave de tromper sa femme te que cela se sache. Moins grave d’être un accro au sexe qui saute sur tout ce qui bouge. Ce n’est pas un problème d’enchaîner les maitresses, voire de les présenter aux amis pendant que madame accouche, fait la cuisine, s’occupe de petit dernier qui a le nez bouché. » Chapitre 45
Mais aussi, et tellement, de force et d’amour aussi.
« L. Elle. Aile. Comme un papillon, elle s’est posé sur sa bouche. Lou l’a attrapée. Lou barricadée, corsetée, harnachée l’a laissée entrer à l’intérieur. Sans douleur, elle déchire les certitudes à coups de mots, à coups de tendresse. Tendre étrangeté de l’autre pareille. Lou ajoute maintenant des e à tous les adjectifs et tous les noms. Lorsque les mots n’existent pas, Lou les invente. Elle avance, lumineuse et solaire, et rit des regards en coin. Désapprobation générale. Lou embrasse et ouvre les yeux. » Chapitre 25
« Lou se bidonne de rire. Elle se remplit de tendresse. Elle se liquéfie d’amour. Elle n’est plus qu’une flaque de maman. » Chapitre 25
En bref : très beau !!!!
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