Heidi W. Durrow : La Fille tombée du ciel
La Fille tombée du ciel d'Heidi W. Durrow 4/5 (04-07-2013)
La Fille tombée du ciel (273 pages) est sorti le 25 août 2011 aux Editions Anne Carrière, et depuis le 2 mai 2013 chez Le Livre de Poche (288 pages).
L'histoire (éditeur) :
A onze ans, Rachel Morse, fille d'une mère danoise et d'un père GI noir américain, voit sa vie basculer : un drame dont elle est la seule survivante lui arrache sa famille.
Recueillie par sa grand-mère paternelle, une femme aussi aimante qu'intransigeante, Rachel découvre bientôt la difficulté d'être métisse dans une société qui donne trop d'importance à la couleur de peau. Des voix se mêlent à son récit pour dévoiler la véritable nature de la tragédie qui s'est déroulée, un triste jour d'été, sur un toit de Chicago. La plus vibrante d'entre elles est celle de Brick, un jeune voisin qui a assisté à sa chute et qui se retrouve, bien malgré lui, dépositaire du seul fragment de vérité susceptible de libérer Rachel des ombres de son passé.
Mon avis :
A peine lancée dans les premières lignes je me suis prise d’affection pour Rachel, cette gamine de 11 ans qui débarque chez sa grand-mère. On sent déjà les difficultés peser sur elle. Avec une grande détermination à être une nouvelle personne, bonne et forte, elle tente de se construire malgré un héritage familial douloureux et les embûches semées sur sa route.
« « Mon petit porte bonheur », dit grand-mère.
Elle est venue le chercher à l’hôpital, et on a marché jusqu’à l’arrêt de bus, sa main autour de la mienne, comme une laisse.
On est à l’automne 1982, et il pleut sur Portland. J’ai éclaboussé mes nouvelles chaussures dans les flaques. Je me sens déjà moins la petite-fille-dans-sa-robe-neuve. Je ne suis plus cette fille-là. (…) C’est là que je commence mes petits marchandages avec moi-même. Je ne serais pas triste. Tout ira bien. Cette promesse que je me fais, ce sont mes armures. Et à l’intérieur se trouve le cœur tendre que personne n’atteindra. » Page 13 de la version poche
« La petite-fille-toute-neuve a presque l’air heureux, et elle s’applique » page 27
Fille d’une Danoise et d’un sergent-chef du l’US Air Force Afro Américain (ni tout à fait blanche ni tout à fait Noire) elle a du mal à trouver sa place dans la famille et dans la société. On apprend rapidement qu’elle est l’aînée d’une famille de trois enfants qui ne sont plus, mais le mystère plane largement sur elle. C’est par l’intermédiaire de plusieurs récits et des pages des carnets intimes de Nella (sa maman) que le puzzle de son passé s’assemble. Jamie, un jeune voisin de la famille passionné d’ornithologie, qui croyait voir tomber un oiseau, Laronne Wagner, la patronne si attentionnée de Nella, Roger Morse (le papa) et enfin et surtout Rachel nous livrent (de manières différentes) une histoire familiale bouleversante empreinte de douleur, de maltraitance mais aussi d’amour et d’espoir. Parallèlement, la gamine nous raconte sa vie chez sa grand-mère paternelle, une femme solide, intransigeante et aimante aux côtés de Loretta, sa tante qu’elle place vite au rang de modèle et son compagnon Drew, qui lui sera d'une épaule précieuse et stable. Sa vie est marquée par la solitude et la différence : celle de son enfance et de son origine (enfant Noire à la peau et aux yeux clairs).
La plume d’Heidi W. Durrow est plaisante. Même si la construction, mêlant des points de vue et des époques différentes, paraît un peu fouillis, l’auteure tisse un certain mystère autour de la vie de Rachel qui permet de resté fidèle au texte. Chaque nouveau chapitre apporte sa dose d’éclairage et donne vraiment envie d’en savoir plus pour comprendre, voir justifier. Subjective, racontant avec des yeux et des mots d’enfant (plus toujours propice à l’évolution du personnage), la narration liée à Rachel est parfois troublante. Souvent dans l’ambivalence, elle a conscience de nombreuses choses mais subit plus sa vie qu’elle la dirige.
D’autre part, le manque d’indications temporelles et les ellipses m’ont un peu gênée. J’ai été parfois surprise de voir grandir d’un coup Rachel, comme si on faisait un bond dans le temps alors que le texte ne nous y prépare pas du tout. Malgré ces détails, l’ensemble m’a beaucoup plu. J’ai aimé la palette des personnages, principalement Laronne (qui tente de donner un sens à ce qui s’est passé) et Jamie/Brick (dont la mère est aussi défaillante que celle de Rachel), qui se sent investi d’une mission. Il met ainsi sa vie entre parenthèse pour retrouver cette ancienne voisine qu’il n’a connue qu’à travers les révélations de son père.
Heidi W. Durrow met en évidence les difficultés à trouver sa place. Et, au-delà de l’intrigue même de cette tragédie familiale, on découvre plus largement l’importance de l’identité, et de savoir d’où l’on vient. L’auteure a plutôt bien décrit (aussi bien dans les actes que dans les sentiments) les acteurs de cette histoire. Nella et Roger illustrent douloureusement les défaillances parentales (le poids des responsabilités) et mettent en évidence les difficultés à agir en harmonie.
« Je n’étais pas censée avoir un avenir, je crie. Peu importe e que je fais. C’est ma vie. » Page 259
La fille tombée du ciel est un premier roman fort en émotions, aussi tragique que tendre, qui prône la tolérance dans de nombreux domaines.
« Ce dernier jour, quand Mor nous avait emmenés sur le toit, elle avait calculé la différence entre ce qu’on ne pouvait pas avoir et sa capacité à supporter de nous voir manquer. Et elle avait décidé que la différence entre sa douleur et la nôtre mesurait (…spoiler). » Page148
« Je te connais, lui dit-il. Tu as survécu. » Page 278
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