Gaël Faye : Petit pays
Petit pays de Gaël Faye 5/5 (27-10-2016)
Petit pays (224 pages) est paru le 24 août 2016 aux Editions Grasset.
L’histoire (éditeur) :
En 1992, Gabriel, dix ans, vit au Burundi avec son père français, entrepreneur, sa mère rwandaise et sa petite sœur, Ana, dans un confortable quartier d’expatriés. Gabriel passe le plus clair de son temps avec ses copains, une joyeuse bande occupée à faire les quatre cents coups. Un quotidien paisible, une enfance douce qui vont se disloquer en même temps que ce « petit pays » d’Afrique brutalement malmené par l’Histoire. Gabriel voit avec inquiétude ses parents se séparer, puis la guerre civile se profiler, suivie du drame rwandais. Le quartier est bouleversé. Par vagues successives, la violence l’envahit, l’imprègne, et tout bascule. Gabriel se croyait un enfant, il va se découvrir métis, Tutsi, Français…
Mon avis :
A l’image de Chanson douce ou de Tropique de la violence, Petit pays est de ces romans de la rentrée littéraire française que l’on n’oublie pas, qui vous touchent le cœur, vous poussent à la réflexion, vous parlent de l’enfance, de sujets délicats et de tragédies véridiques.
Gabriel a 33 ans. Il vit en région parisienne et n‘arrive pas à avancer. Depuis 20 ans, depuis qu’il a quitté son pays, il vogue entre deux eaux. La nécessité d’avoir des réponses, de retrouver ses terres s’impose aujourd’hui.
Gaby et sa petit sœur Ana habitent Bujumbura, au Burundi avec leur père, un français du Jura venu en Afrique pour effectuer son service civil, resté par amour et pour les affaires, et Yvonne, leur mère réfugiée du Rwanda qu’elle a quitté une nuit de massacre a quatre ans.
1993, l’année des 10 ans de Gaby, est aussi l’année des élections présidentielles, celle du vol de son vélo, de sa correspondance avec une écolière orléanaise, celle où sa mère est revenue transformée à jamais et l’année du choix identitaire imposé pour déterminer sa destinée.
C’est Gabriel qui nous entraîne dans son Petit pays, un Burundi exotique, luxuriant, paisible, encore marqué par une mentalité coloniale occidentale mais le pays de l’enfance heureuse dans les quartiers résidentiels où il vit avec sa famille et les voisins de son âge. Même si la situation familiale n’est pas au beau fixe, on se plait à être à ses côtés, fumer des cigarettes en cachette, voler des mangues chez la voisine et refaire le monde avec ses copains. Etre un gosse, quoi !
Mais être un enfant ne suffit plus, il faut aujourd’hui choisir son camp, ses origines, savoir qui ont est. Gaby voit partir son maman tandis que l’horreur du génocide gagne du terrain dans la vie de l’enfant.
Petit pays est un roman puissant, servit par une écriture tendre, parfois espiègle et malicieuse. Le drame pointe, se rapproche et s’installe mais jamais de misérabilisme, plutôt une nostalgie et surtout beaucoup de justesse. Gaël Faye n’en fait jamais trop, et ce n’est d’ailleurs pas nécessaire. L’œil de l’enfant apporte cette légèreté qui tranche avec le contexte et l’insouciance est vite rattrapée par le drame.
L’auteur nous touche avec les mots plein de douceur de ce petit Gabriel (qui ne veut pas choisir) arraché trop vite au monde de l’enfance. Petit pays est un premier roman mélodique, très bien écrit et douloureusement poignant.
« Le génocide est une marée noire, ceux qui ne s’y sont pas noyés sont mazoutés à vie. » page 185
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