Libre-R et associés : Stéphanie - Plaisir de lire

Libre-R et associés : Stéphanie - Plaisir de lire

Clémentine Beauvais : Brexit Romance

Brexit Romance de Clémentine Beauvais  4/5 (10-08-2018)

 

Brexit Romance (456 pages) est disponible depuis le 22 août 2018 aux  Editions Sarbacane (collection Exprim').

 

8.jpg

 

L'histoire (éditeur) :

 

Juillet 2017. Marguerite Fiorel, 17 ans, jeune soprano française, se rend à Londres avec son professeur Pierre Kamenev, pour chanter dans Les noces de Figaro. Ils croisent Justine Dodgson, créatrice d'une start-up secrète nommée Brexit romance dont l'objectif est d'organiser des mariages blancs entre Français et Anglais, afin que ceux-ci obtiennent le passeport européen.

 

Mon avis :

 

Marguerite Fiorel est lycéenne au lycée musical de Grenoble et soprano. Elle doit jouer Susanna des Noces de Figaro pour une représentation unique à Londres, et accompagnée de Pierre Kamenev son professeur de chant, protecteur et agent, se rend à la capitale anglaise.

Leur route croise celle (l’Eurostar commun leur permettant de faire connaissance) de Cannelle Fichin, une blondinette de 23 ans originaire de Lyon en direction de Londres pour y organiser son mariage « arrangé » grâce aux sociétés « Brexit Romance » et « Mariage pluvieux » avec Matt.

« Brexit Romance » permet, après 5 ans de vie commune (une bonne colocation et quelques souvenirs arrangés suffisent) et un mariage, aux anglais d’obtenir la nationalité française (accédant ainsi à un passeport européen) et aux français de s’installer en Grande Bretagne (pour y apprendre la langue tout en profitant du marché du travail local).

Les rencontres se poursuivent pour la jeune française de 17 ans car le soir de la représentation elle tombe sur le beau Cosmo Carraway (son père état un donateur de la fondation qui finance le spectacle), un lord qui égaille la curiosité de la belle. Le monde est si petit… Cosmo est lui aussi en quête d’une épouse, client de « Brexit romance » particulièrement exigeant, car difficile de trouver la perle qui fera l’affaire pour sa famille aristocrate.

Pour Justine Dodgson (étudiante londonienne en français) et son frère jumeau Matt, tous deux europhiles démoralisés depuis l’annonce des résultats du referendum sur le Brexit (sortant officiellement le Royaume Uni de l’Europe) et créateurs de la société de mariages arrangés « Brexit romance », Cosmo est le client parfait : plein aux as et sans aucun doute excellent filon d’un accès aux nobles célibataires potentiels. Ils se doivent de mettre les bouchées doubles pour réussir leur pari et caser le bellâtre. Mais rien n’est simple évidemment. Pas facile de touver la correspondance parfaite (surtout pour réussir à tromper les autorités qui risqueraient de découvrir la supercherie), d’autant que tout ne se passe pas comme prévu.

 

 

Véritable comédie sociale à l’image des vaudevilles à l’ancienne (d’ailleurs présenter sous forme de roman en quatre actes), Brexit Romance  est un divertissement délicieux. Les personnages sont nombreux tout comme les rebondissements et les références. C’est un régal d’intelligence, de drôlerie et d’espièglerie. Clémentine Beauvais m’enchante par son style parfois impertinent, toujours très travaillé et rempli de références culturelles et petites piques sur notre société (les réseaux sociaux en ligne de mire tout comme les vidéos à la noix qui pullulent sur le net). J’aime sa manière de se renouveler, de ne jamais écrire la même chose, tout en conservant une si belle maîtrise des mots et des formes qui fait sa force.

Brexit Romance c’est un roman qui parle amour, politique, jeunesse londonienne un peu déboussolée, mais surtout de rencontres dans le pur esprit du théâtre entraînant une super histoire d’amours (arrangés coups de foudre, contrariés, naturels, platoniques, fous, maniés et remaniés) avec des tas de coups de théâtre (forcément…).

J’ai adoré ce tas de (Brexit) romances mises en scène façon comédie romantique, un poil tragi-comédie et beaucoup comédie d’intrigue avec des batailles entre hommes (qui ne savent pas de battre), des déclaration (pas franchement enflammée et encore moins évidentes), d’imbroglios, de quiproquos. Bref, on ne s’ennuie pas du tout et on déguste par la même occasion le florilège d’expressions anglaises, le vocabulaire français étoffé, diversifié et recherché, tout en restant parfaitement naturel (« Décidant sur un coup de tête d’aller cueillir un énorme bouquet de roses pour se mère, qui le tançait vertement parce qu’on n’avait pas le droit de cueillir les roses » page 275).

« Yeah, répondit Matt. Don’t ask.

Le problème fut que Kemanev ne comprit pas que Don’t ask en anglais veut en réalité dire Ask. Et dont il n’aska rien. Et il resta sans complément d’information sur ce fait-là, bien qu’il se doutât au fond de lui, avec cette certitude plombante des grands malheurs, que c’était Gonzague le polytechnicien qui avait obtenu la main de Justine. » Page 297 (j’ai volontaire abrégé pour rester collée à mes propos mais la suite est génial !!)

 

Brexit Romance c’est beaucoup de dialogue qui révèlent toute la pertinence des propos, beaucoup d’humour :

« ‘Trop excitée !’ gloussa Cannelle.

‘Trop excitée, confirma mollement Justine.

‘Tellement de trac ! J’ai des papillons dans l’estomac’, dit Matt. ‘Enfin, l’équivalent français. C’est quoi, en français, « J’ai des papillons dans l’estomac »,’ demanda-t-il à Cannelle.

‘J’ai la gerbe » ?’ tenta celle-ci. » Page 123

 

Autant de phrase et descriptions charmantes :

« Niamh état une délicieuse Irlandaise de vingt-deux ans, avec une sorte de chevelure bleue-noire en copeaux de métal que l’on ne trouve que chez les natives de cette île, et qui griffe en général un visage presque absolument blanc, à l’exception d’un petit nez très fin d’un rose crémeux. » Page 64

« À Londres elle avait pris l’habitude des bruits aqueux de la maison des Dodgson. C’était une maison qui sonnait comme constamment affligée d’un gros mal de ventre, de ballonnements indélicats et de pets de travers, et les tuyauteries cachées derrière le papier peint, e chauffe-eau enfermé dans son placard et la robinetterie tremblotante se racontaient les uns aux autres à longueur de tournée leur constipations et leurs diarrhées. » page 276

 

Que de petites boutades lancées aussi bien aux frenchies qu’aux frogs :

«’Ils ont genre dix ans de différence.’ 

 ‘Ça n’a jamais tué personne’, reprit Justine.

D’un ton pointu :

‘Surtout en France.’ » page 63

« Or celle-ci était anglaise sans erreur possible. Elle portait une jupe de dix centimètres trop longue, des talons de trois centimètres trop épais, et souriait plus que ses joues n’auraient dû le lui permettre, grâce à une efficace infrastructure dentaire. Elle était belle comme des falaises. » Page 92

« Et le ressenti, c’est important. Contrairement à ce qui se passe en France, figurez-vous qu’en Grande-Bretagne et chez d’autres peuplades évoluées, il n’y a pas toujours une muraille parfaitement solide entre raison et sentiments. » Page 112

« Et Justine, perplexe, confuse, se demanda, dans les vapeurs de l’Earl Grey, pourquoi diable les Français étaient si défaitistes, si peu enclins à dépasser leurs limites, alors qu’enfin, tout était possible, quand on mettait son imagination au service de ses rêves… » Page 121

« ‘J’arrive pas à comprendre l’intonation française’, soupira Fern. ‘ J’ai toujours l’impression que quand les gens parlent français, ils sont en train de s’engueuler.’ » Page 307

 

Bon, vous l’aurez compris, Brexit romance c’est super cool ! (notez bien le choix de cette expression anglaise-française Rigolant).



03/09/2018
0 Poster un commentaire

A découvrir aussi


Inscrivez-vous au blog

Soyez prévenu par email des prochaines mises à jour

Rejoignez les 292 autres membres