Bénédicte des Mazery : L'ombre d'un homme
L'ombre d'un homme de Bénédicte des Mazery 4/5 (28-08-2013)
L'ombre d'un homme (156 pages) est paru le 8 mars 2012 aux Editions Anne Carrière.
L’histoire (éditeur) :
Alfred Vigneux n'a jamais oublié Charlotte et lorsque, à l'occasion de la réfection de son immeuble, il exhume de la cave les documents paternels, son passé lui revient de plein fouet. Le vieillard solitaire, à l'existence jusqu'ici monotone et recluse, décide alors de réécrire l'histoire à sa façon. Adèle, son mari et leur jeune fils, Léo, se voient ainsi proposer un étrange échange : la jouissance d'un appartement dont le vieil homme est propriétaire contre sa présence à dîner, chaque soir. La famille, qui vit pauvrement, accepte et emménage dans l'immeuble. Très vite, cependant, le jeune Léo comprend qu'ils n'ont pas été choisis au hasard.
Mon avis :
Voilà un livre qui me semble t’il est un peu passé inaperçu l’année dernière. Je n’ai pas le souvenir d’en avoir entendu parler… ce qui est bien dommage car c’est un roman fort qui vaut le coup qu’on s’y intéresse.
L’histoire n’a rien de passionnant au premier abord, mais elle soulève bien rapidement quelques mystères. Alfred Vigneux est un vieillard, discret (limite transparent) qui à la mort de son père se décide à remonter de la cave les cartons lui appartenant. Il prend alors le temps de trier méthodiquement leur contenu jusqu’à, force de découvrir courriers et autres documents administratifs, se sentir investi d’une mission… Il propose au couple Duilly et leur ado Léo de venir s’installer dans l’appartement (dont il est propriétaire) en dessous de chez lui. En échange, il désire partager leur dîner et ainsi profiter d’une présence. L’entente est une aubaine pour Adèle qui est ravie de quitter leur tout petit appartement, mais n’est pas au gout de Léo qui ne comprend pas l’enjeu de cet échange et pour qui le simple fait de se sentir seul ne justifie une telle preuve de bonté.
Alfred, le protagoniste, est un personnage qui ne paye pas de mine mais qui au fil de l’histoire gagne en reconnaissance. En remontant dans le passé de son père, de sa famille (et du coup dans le sien) les souvenirs remontent à la surface et une blessure se creuse davantage en lui. Le besoin de faire le bien devient alors sa priorité. Le voir peu à peu évoluer dans les cartons plein de souvenirs et de secrets familiaux, tout autant que s’immiscer dans la vie de la famille Duilly tient en haleine. De plus en plus attaché à lui, on est retenu par le besoin de connaître les raisons de son acte et ce qui pourrait le lier à Adèle et sa famille.
Bénédicte des Mazery écrit ici un beau roman sur le poids de la culpabilité et sur les secrets de famille. Et quand ces mystères remontent à la seconde guerre mondiale, on ne peut qu’imaginer des événements tragiques et surtout un récit d’une grande intensité. En effet, ce court roman (tout juste 150 pages) oscille entre passé et présent, et se charge au fil de la lecture d’émotions.
L’ombre d’un homme tisse son histoire autour de la seconde guerre mondiale. Et même si le sujet a déjà été maintes fois évoqué en littérature, l’auteure se penche ici précisément sur un point moins abordé, celui de la spoliation des Juifs. Très bien exploité, ce thème lève le voile sur certaines choses certainement ignorées par beaucoup, tout en conservant un fil conducteur actuel où les secrets prennent de plus en plus de place. Des liens se tissent entre le vieillard, pas très loin de la mort, et un ado qui ne comprends guère ce que vient faire cet inconnu dans sa vie. Après une première partie assez mystérieuse, on plonge dans une seconde beaucoup plus poignante. On apprend ainsi des détails peu connus sur la politique de Vichy liée au traitement des « demi-Juifs » et à la confiscation des biens appartenant aux Juifs (y compris leur habitation), leurs ventes et le travail des détenus Juifs autour de ce commerce. Le souvenir de Charlotte, jeune mère de famille qui a vécu ces épreuves, qu’Alfred à connu dans son enfance, permet de faire le lien entre le passé et le présent, et de rendre ce roman aussi fascinant qu’intéressant.
Bénédicte des Mazery a une belle écriture tout en simplicité, voir en sobriété. Ce qui ne l’empêche pourtant pas beaucoup de sensibilité ! C’est un texte vraiment agréable à lire. On parcoure ces lignes où les émotions sont palpables. Les descriptions (sans s’éterniser) sont finement travaillées et chaque scène (et son lot de sentiments et de ressentiments) est évoquée simplement mais avec précision. Le plaisir n’est pas proportionnel au nombre de pages. La preuve avec L’ombre d’un homme qui, bien que prévisible, saura vous toucher autant que vous passionner.
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