Sandrine Collette : Un vent de cendres
Un vent de cendres de Sandrine Collette 4/5 (02-02-2014)
Un vent de cendres (255 pages) est à paraître le 13 février 2014 aux Editions Denoël, dans la collection Sueurs froides. Il s’agit du deuxième roman de Sandrine Collette, dont le premier roman Des nœuds d’acier a reçu le prix du Polar lors du Festival du Polar à Villeneuve-lez-Avignon en Octobre 2013.
L’histoire (éditeur) :
Des années plus tôt, un accident l'a défiguré. Depuis, il vit reclus dans sa grande maison. Jusqu'au jour où surgit Camille...
Malo a un mauvais pressentiment. Depuis leur arrivée au domaine de Vaux pour faire les vendanges, Octave, le maître des lieux, regarde sa sœur Camille d'un œil insistant. Le jeune homme voudrait quitter l'endroit au plus vite, partir loin de cette angoisse qui ne le lâche plus.
Camille trouve ses inquiétudes ridicules, mais Malo n'en démord pas. L'étrange fascination d'Octave pour Camille, pour ses cheveux d'un blond presque blanc, le met mal à l'aise. Camille, elle, oscille entre attirance et répulsion envers cet homme autrefois séduisant, au visage lacéré par une vieille blessure.
Ils se disputent et, le troisième jour, Malo n'est plus là. Personne ne semble s'en soucier, hormis Camille qui veut retrouver son frère à tout prix.
Mais leur reste-t-il une chance de sortir vivants de ce domaine, ou le piège est-il déjà refermé?
Mon avis :
Tellement attendu, le nouveau roman de Sandrine Collette avait à peine atterri dans ma boite aux lettres, que je me suis jetée dessus. J’image la pression monstre que devait (et doit encore) avoir l’auteure après le vif succès (blogueurs et presses) de son incroyable premier roman Des nœuds d’acier (mon avis ici). Alors qu’en est-il de ce second ?
Le premier mot qui me vient à l’esprit est : différent. Même si le prologue ouvre le texte avec beaucoup de violence, une brutalité et des mots particulièrement crus (qui dénotent avec le vent d’insouciance des premières lignes), la suite n’a plus grand-chose à voir, mais reste prenante.
Sur les conseils d’un ami, Camille et Malo (deux étudiants frère et sœur) profitent des vacances pour découvrir l’expérience des vendanges. Arrivés sur place, ils retrouvent les amis de Malo, Henri et Charlotte, ainsi que trois autres vendangeurs, et prennent vite leurs marques en découvrant le domaine, le contremaître Lubin et l’un des propriétaires. Octave, n’est en réalité pas vraiment le propriétaire, juste plus celui qui fait tourner la propriété, tandis qu’Andréa vit reclus dans l’aile sud, enfermé depuis 10 ans dans sa folie, sa colère et son chagrin, depuis la perte de Laura dans un grave accident de la route.
Dès leur venue, Malo est habité d’un mauvais pressentiment. Comme si un drame se jouait ou était sur le point de se produire. La terrible apparence physique d’Octave et les rumeurs étranges qui tournent autour du duo Octave-Andréa n’aident pas non plus Camille à s’ôter de l’esprit cet étrange sentiment qui l’habite. Sandrine Collette installe très vite un tension palpable (pressentiment de Malo, malaise de Camille, haine grandissante d’Octave…). Elle ne se limite pas longtemps aux impressions et aux émotions. Les faits arrivent : les regards dérangeants d’Octave, son attitude qu’Andréa ne supporte pas, une querelle et des mots qui en viennent aux mains avec Malo qui disparaît ensuite mystérieusement… Alors que tout le monde pense qu’il est parti contrarié (et surtout ceux qui le connaissent bien et qui ont déjà eu à faire à son foutu caractère), Camille est persuadée qu’une tragédie a eu lieu.
Le contexte des vendanges et le décor sont bien décrits (sans aucune longueur). L’ambiance bon-enfant s’oppose avec la dureté du travail et la chaleur, qui apportent en plus à la disparition de Malo son lot de complications. Camille est certaine qu’Octave ou Andréa est derrière tout ça. Même si la compassion face au handicape d’Octave, à sa souffrance physique (défiguré) et psychologique (sous la coupe du terrifiant Andréa) sont omniprésents, on ne peut que se poser des questions tant la bizarrerie de ce duo est forte.
A l’opposé Des nœuds d’acier où la séquestration et la violence sont constantes, ce texte-ci est plus tourné vers l’extérieur et le doute. Il règne tout de même un sentiment d’étouffement difficilement explicable. Sandrine Collette joue avec nos nerfs. Ses phrases courtes donnent du rythme alors qu’il ne se passe pas grand-chose, si ce n’est les jours qui passent cadencés par les vendanges et l’inquiétude grandissante de Camille. C’est qu’Andréa et Octave sont deux personnage torturés et vraiment troublants. J’ai émis quelques doutes durant ma lecture mais l’auteure arrivait à chaque fois à les écarter, jusqu’à la fin où la folie atteint un degré juste impensable ! Et au final, mes doutes se sont révélés en partie exactes et presque logiques.
Un vent de cendres m’a plu, même s’il est loin d’être au niveau Des nœuds d’acier (et c’est je pense cette comparaison qui a tendance à diminuer mon opinion). Ce qui m’avait tellement séduite précédemment (violence, perversion et machiavélisme), ne sont pas autant présents ici. Ça reste tout de même un bon polar qui place Sandrine Collette au rang de mes auteurs français fétiches. Son écriture (douce et crue) me plait beaucoup, et en particuliers sa manière de nous décrire les relations entre les personnages et à distiller un sentiment d’ambiguïté à leur égard. La descente jusqu’au dénouement est lente (ce qui peut déranger) et sombre. L’envie d’en finir et de connaitre la vérité se fait de plus en plus pressante. Quand le dernier jour arrive, il vient contrecarrer l’absence d’action ou d’énergie des jours précédents, et la claque est encore plus violente (à l’instar du prologue) !
En deux mots : encore une roman bien écrit et tordu comme j’aime. Ceux qui ont pu être gênés par la brutalité et les atrocités présentes dans Des nœuds d’acier apprécieront sans doute plus son second roman qui instaure un climat lourd et joue plus sur le mystère. Ne vous y fiez tout de même pas, Un vent de cendres dévoile tôt ou tard son lot d’horreur.
A découvrir : Des nœuds d’acier, paru le 17 janvier 2013 aux Editions Denoël, et disponible en poche depuis le 29 janvier 2014 aux Editions le Livre de Poche.
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