Philippe Pollet-Villard : L'enfant-mouche
L'enfant-mouche de Philippe Pollet-Villard 4/5 (05/10/2017)
L’enfant-mouche (432 pages) est paru le 23 août 2017 aux Editions Flammarion.
L’histoire (éditeur) :
1944. La vie d’Anne-Angèle bascule lorsqu’elle accepte de prendre en charge Marie, une orpheline aux origines troubles. Ensemble, elles doivent quitter précipitamment la capitale pour s’installer dans un village de province où elles se heurtent aussitôt à l’hostilité des habitants. Anne-Angèle tombe malade et l’enfant, qui veille désormais sur son étrange tutrice, se trouve confrontée à un quotidien de combines, de bassesses et de violences répondant au seul impératif de la survie. Animée par une force parfois surhumaine, prête à tout, Marie détonne dans le paysage. Lorsqu’elle s’aventure du côté allemand, c’est un nouveau monde qui s’ouvre à elle. Marie devient L’enfant-mouche.
Tiré de la propre histoire familiale de Philippe Pollet-Villard et dans la veine tragi-comique qu’on lui connaît, ce roman fait ressurgir d’un passé tabou le destin inimaginable d’une petite fille livrée à elle-même.
Mon avis :
Avril 1944, Anne-Angèle, infirmière à Casablanca, apprend que sa sœur, victime d’un accident, est dans le coma. A presque 60 ans, elle décide de faire le voyage jusqu’au chevet de Mathilde, mais arrivée à Paris, elle découvre que celle-ci est décédée et, qu’avant sa mort, elle s’était engagée à prendre en charge une enfant (placé en orphelinat), en échange d’une forte somme d’agent versée par la mère de la petite. Incapable de rembourser la dette de sa sœur, Anne-Angèle est donc contrainte d’assumer sa promesse. La guerre et la peur d’être arrêtée par la Gestapo, alors que la mère de la gamine disparait mystérieusement, obligent alors Anne-Angèle et Marie, 11 ans, à quitter la capitale pour venir s’installer dans le petit village de Courcy, où un travail dans un petit cabinet d’infirmerie d’attend. Sur place, rien ne se passe évidemment comme prévu. Les rapports avec les autochtones se révèlent particulièrement difficiles (surtout après la mort d’un SDF) et l’infirmière, malade, révèle de plus en plus incapable de gérer le quotidien, obligeant l’enfant à user de débrouille et de culot.
L’enfant-Mouche est l’histoire de Marie. L’histoire, largement inspirée de celle de la mère de l’auteur, est un mélange de véridique (sur la base d’un travail d’enquête pour reconstituer les vérités et impressions que lui livrait sa maman lorsqu’elle lui racontait son récit) et de romanesque, comblant les trous et permettant aussi au roman de gagner en fluidité et en émotions (nous ne sommes clairement pas dans un roman historique ou biographique).
Ecrit au présent narratif, sous forme de chapitres courts, comme une succession de petits récits, L’enfant-mouche donne l’impression de voir l’histoire de Marie se dérouler sous nos yeux, nous permettant de vivre ses aventures (loin d’être roses) à ses côtés. C’est un roman vraiment très prenant. Les pages se tournent rapidement car l’auteur, autant par la forme que par le fond, nous entraîne avec beaucoup d’intérêt dans l’histoire de Marie, particulièrement touchante et réaliste. Bien qu’évoquant violence et sordide, l’auteur ne porte aucun jugement ou ne tombe dans le pathos. Les choix des uns et des autres ne sont pas toujours acceptables, mais on garde à l’esprit qu’il s’agit surtout d’un récit de survie et on savoure avant tout cette faculté à vouloir s’en sortir coûte que coûte.
J’ai pris beaucoup de plaisir à suivre cette ingénieuse enfant-mouche et son histoire teintée d’humour et de légèreté. Un grand bravo à Philippe Pollet-Villard pour son discernement, le choix du ton, de la forme, la douceur et la fraîcheur (tout en côtoyant l’ignominie et la cruauté humaine) et surtout de ne pas être tombé dans le manichéisme et la facilité. Savoureux !
« La famille, pense-t-elle, c’est comme Dieu : en priant, on finit par être convaincu de son existence même si on ne l’a jamais vu. Si cette guerre se termine un jour et s’il lui arrive de devenir adulte, Marie ne doute pas qu’elle trouvera une famille elle aussi, d‘autres oncles, d’autres tantes, des frères, des grands-parents, tout un tas de gens qui attendent déjà dans les méandres obscurs de sa destinée. » Page 244
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