Libre-R et associés : Stéphanie - Plaisir de lire

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Ottessa Moshfegh : Eileen

Eileen d’Ottessa Moshfegh    3,5/5 (13-02-2016)

 

Eileen  (304 pages) est paru le 27 janvier 2016 aux Editions Fayard (traduction : Françoise du Sorbier).

 

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L’histoire (éditeur) :

 

Une vieille femme se souvient avec un cynisme minutieux de la semaine qui a fait basculer sa vie cinquante ans plus tôt.

En 1964, alors âgée de vingt-quatre ans, elle vit avec son père alcoolique dans une maison délabrée, près de Boston, et travaille comme agent d'accueil dans une prison pour délinquants mineurs. Elle subit cette existence sinistre avec un mélange d'impuissance, de colère et de haine - contre elle-même surtout. L'arrivée d'une fascinante jeune femme fraîche émoulue de Harvard et chargée de mission après des détenues joue un rôle de détonateur. Dès lors, tous les mécanismes s'emballent...

Un roman à la construction rigoureuse et à l'écriture incisive, où la tension devient peu à peu insoutenable.

 

Mon avis :

 

Eileen Dunlop, à près de 80 ans, décide de revenir sur la semaine qui a fait basculer sa vie.

En 1964, à quelques jours de noël, Eileen a 24 ans. Elle vit encore chez son père, ancien officier de police et désormais ivrogne notoire, et travaille comme secrétaire dans une maison de correction privée pour délinquants juvéniles. A part ça, elle ne connait pas grand-chose, pas de folles expériences, pas de relations amicales ou sentimentales… Elle fantasme beaucoup sur Andy, son collègue de travail, s’imagine la vie des autres, passe son temps à se préoccuper de son image sans jamais toutefois prendre spécialement soin de son physique, et rêve de quitter ce Massachusetts glacial.

A 24 ans, Eileen ressemble à une ado mal dans sa peau, lunatique, en souffrance, fascinée par le macabre, frustrée, lâche, sombre et obsédée par une foule de détails étranges (telle cette stalactite à l’entrée du domicile familiale).

 

Sans rien cacher et avec une franchise qui frôle la névrose, elle revient sur les 7 derniers jours dans sa ville natale. Pas, ou peu, d’action mais une accumulation de détails obsessionnels qui rendent son récit pesant. Elle présente la cause de son départ comme un fait majeur de sa vie, mais n’en dévoile que très peu de chose avant d’arriver au moment fatidique. Petit à petit, elle délivre parmi la narration de son quotidien répétitif, poisseux et monotone, certain éléments qui laissent sous entendre un fait saisissant  à venir.

 

Ottessa Moshfegh instaure une très bonne ambiance à la Hitchcock : lourde, dramatique et fascinante (qui découragera certains à cause de cette impression de lenteur qui  se fait de plus en plus sentir et pèse sur le rythme de la lecture). Il est clair qu’il ne se passe pas grand-chose dans la vie d’Eileen et que ces 7 jours sont épuisants de prosaïsme. Cependant, il se crée une forme de fascination à son égard et une attente quant à cet événement marquant. On est dans l’attente constante de ce changement et lorsque celui-ci arrive la surprise est de taille tant l’auteure à su ménager le suspens et nous garder si près de cette (anti)héroïne que l’on en devient presque hermétique au reste. Et pourtant, ce n’est pas faute d’essayer d’imaginer son issue et l’implication de cette mystérieuse Rebecca.

 

Eileen est un personnage dont il est impossible de s’attacher et pour qui l’empathie est difficile tant certains aspects de sa personne sont extrêmes, tout autant que son quotidien. Sans aspiration, elle est négative, glaciale, erratique et abjecte (le seule ménage qu’elle s’autorise se passe à l’intérieur de son corps en se gavant de laxatifs). Mais une espèce de pitié et beaucoup d’interrogations face à cette personnalité tordue à l’avenir bien face en perspective, se créent et tient le lecteur  attentif à son récit.

L’auteure nous entraîne ici dans une sorte de thriller psychologique à l’ambiance nauséeuse, qui tire certes en longueur, mais qui fascine par certains aspects. Eileen laisse des traces et ne s’oublie pas facilement.

 

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17/02/2016
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