Julie Estève : Simple
Simple de Julie Estève 5/5 (14-09-2018)
Simple (208 pages) est disponible depuis le 22 août 2018 aux Editions Stock.
L'histoire (éditeur) :
On ne l’appelle jamais Antoine Orsini dans ce village perché au coeur des montagnes corses mais le baoul, l’idiot du coin. À la marge, bizarre, farceur, sorcier, bouc émissaire, Antoine parle à sa chaise, lui raconte son histoire, celles des autres, et son lien ambigu avec Florence Biancarelli, une gamine de seize ans retrouvée morte au milieu des pins et des années 80.
Qui est coupable ?
On plonge à pic dans la poésie, le monde et la langue singulière d’un homme simple, jusqu’à la cruelle vérité.
Mon avis :
Antoine Orsini est mort. Celui qu’ils appelaient le baoul, sous entendez l’idiot du village, le simplet, a pourtant encore des choses à nous dire.
Alors Antoine va nous raconter. S’adressant à sa chaise, il va revenir sur sa vie, celle des habitants de son village, conter le drame qui s’est déroulé il y a bien longtemps et qui l’a conduit en prison (bouc émissaire par excellence), revenir sur son enfance et après ses divers allers-retours faire le bilan de sa vie. On comprend ainsi, à travers les bribes d’histoires, ce qu’il s’est passé, ce qui est arrivé à Florence Biancarelli, retrouvée mort à 16 ans…
A la manière d’une enquête (dont il ne se gêne pas pour disperser quelques fausses pistes et de fracassantes révélations), Antoine nous propulse dans le maquis corse, au plus près de la nature (où seulement là il réussit à trouver sa place, gamin différent depuis l’enfance, en marge et sujet aux brimades et autres pire encore), des légendes et des habitants de ce petit village. Oui, pare qu’Antoine a une mémoire sans faille, écoute tout (et souvent derrière les portes) et sait les histoires (c’est aussi un confident) ….
Simple est un récit brut de décoffrage dont la narration se confond avec le personnage sans filtre et plein de candeur. Julie Estève nous place au plus près de ses émotions, de ses rires, de ses sentiments. Comme lui, elle nous offre la capacité à neutraliser (parfois) la forme de violence dont il est victime, par ses éclats de rires, ses petites manies et ses drôlerie (c’est aussi un personnage un peu farceur). Mais ne soyons pas dupe, on comprend qu’il a fait l’objet de persécution et a été désigné coupable et on s’en émeut forcément, on s’énerve même. Parce qu’Antoine est un bon gars, un peu maladroit mais plein de sensibilité.
Excellente lecture, Simple possède la belle qualité de nous parler et de célébrer de différence à travers un héros inoubliable, attachant et d’une grande beauté intérieure. Oui, Antoine est un simplet mais certainement le plus innocent de tous.
La langue au tempo rapide, pleine d’accidents narratifs et de contresens, offre une lecture étourdissante. Difficile à quitter, on est pris entre le désir de savoir la vérité et irrésistiblement attiré par le récit de ce narrateur qu’on ne peut qu’apprécier.
Et lorsque la fin arrive, c’est évidement sous le coup de l’émotion qu’on referme ce bouquin, avec à l’esprit qu’on n’est pas près d’oublier cette affaire (loin d’être simple) et surtout Antoine, un simplet bouleversant par sa candeur et sa lucidité.
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