Jenni Fagan : La Sauvage
La Sauvage de Jenni Fagan 2,5/5 (27-06-2013)
La Sauvage (320 pages) est paru le 7 mars 2013 aux Editions Métailié.
Trimbalée de foyers en familles d’accueil depuis sa naissance, Anais a l’impression d’être un sujet de laboratoire prisonnier d’une expérimentation. Elle décide de mettre fin à l’expérience et de reprendre sa liberté. Elle a quinze ans, elle est intelligente, belle et insoumise. Dans un style rapide, brillant, plein de l’énergie de ses personnages, Jenni Fagan nous communique sa tendresse pour cette héroïne touchante et vitale autour de laquelle elle construit son roman.
Mon avis :
Je me faisais une joie de découvrir ce roman dont on m’avait dit le plus grand bien. Proposé lors des dernières Masses Critiques de chez Babelio, j’ai évidemment sauté sur l’occasion et j’ai été ravie d’apprendre que j’avais été sélectionnée pour le lire. Décrit par de nombreux lecteurs comme « une pépite », La Sauvage sera pour moi une pépite bien cabossée. Autant j’ai été touchée par l’histoire de la jeune Anaïs, autant j’ai eu un mal fou avec sa propension à l’utilisation de drogues et tout ce qui en découle : agissement, perception des choses….Je me suis vraiment sentie à deux mille lieues de tout ça au point d’avoir bien souvent été dépassée par ce récit.
Dans la Sauvage, on fait connaissance avec Anaïs Hendricks, une gamine de 15 ans complètement paumée. Elle est en route pour le Panopticon (construction institutionnelle circulaire particulière), un centre de placement pour ado difficiles. Conduite par la police, elle est suspectée d’avoir agressé une policière (dans le coma depuis) et attend de connaître les résultats de l’enquêtes pour être ou non incriminée et enfermée.
« Je préférerais être morte aujourd’hui mais je ne le suis pas- j’ai quinze ans et je suis foutue. » Page 29
Elle fait connaissance et se lie avec les autres pensionnaires et raconte ses impressions, ses fantasmes et ses délires (de ce côtés là ça travaille pas mal chez Anaïs). Constamment sous drogues (peut importer laquelle, ou plutôt lesquelles !), elle va et vient de la réalité à la fantaisie, persuadée d’être le fruit d’une expérience observée par des hommes sans nez. Elle vit régulièrement le jeu de l’anniversaire, devenant une toute autre personne avec un passé et une famille. En prenant connaissance progressivement de sa vie et son passé, on en apprend un peu plus sur elle et sur ses traumatismes, comme la mort de sa mère adoptive (une prostituée du nom de Teresa qui avait pour elle une grande importance), l’inconnue liée à sa naissance (et son abandon) et son enfance ballotée de foyers en familles d’accueil (pas forcément accueillantes). Anaïs apparait comme étant une fille forte, au caractère bien trempé et n’hésitant pas à user de violence (parfois choquante), mais c’est surtout une gamine marquée par la vie.
« Il a dit que j’étais la fille d’une Reine bannie fumeuse de cigarillos, une des trois seules Reines bannies fumeuses de cigarillos. Il a dit qu’elle était entrée dans l’asile sur le dos d’un chat volant. » Page 251
Bien que porteur d’espoir, La Sauvage est un roman sombre. La sexualité (violente, hors norme), la délinquance et surtout la drogue donnent une image de la réalité plus dégradée et sordide. Ce n’est pas le genre de roman auquel j’adhère, d’autant que Jenni Fagan laisse libre cours aux pensées d’Anaïs dans la narration. C’est décousu, subjectif et peu fiable (forcément avec tout ce qu’elle ingurgite !). C’est dans ce contexte que j’ai trouvé la lecture difficile. A côté de cela, il y a Anaïs, Shortie, Tash et Isba (et d’autres qui deviennent sa famille) pour qui on espère une vie meilleure. Anaïs est paranoïaque, imprévisible et violente mais intelligente, cultivée, attirante et touchante. Liée à rien, elle n’a ni souvenirs, ni photos, rien à quoi se rattacher excepté son imagination pour s’inventer ce qu’elle est et d’où elle vient, cherchant à tout prix à s’extraire de ce présent.
Même s’il m’a été impossible d’abandonner Anaïs, j’ai été souvent mal à l’aise durant ma lecture. Heureusement le dénouement apporte un soupçon d’espoir. Et même si le roman est beaucoup dans le fantasme, on se plait à croire en cette fin et au caractère jamais désespéré de cette gamine. La sauvage est un premier roman audacieux qui me laisse malgré tout un avis mitigé. Il montre combien il est difficile de se construire sans attache, dans un système inadéquate et une société bien limitée dans la prise en charge de ces jeunes.
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