Hélène Grémillon : La garçonnière
La garçonnière d’Hélène Grémillon 4,75/5 (12-11-2013)
La garçonnière (354 pages), deuxième roman d’Hélène Grémillon, est paru le 4 septembre 2013 aux Editions Flammarion.
L'histoire (éditeur) :
Ce roman est inspiré d'une histoire vraie. Les événements se déroulent en Argentine, à Buenos Aires. Nous sommes en août 1987. C'est l'hiver. Les saisons ne sont pas les mêmes partout.
Les êtres humains, si.
Mon avis :
Parce que Le confident avait été une très belle découverte (partagée avec de nombreux lecteurs, vu la fiche biblio du livre sur livra qui affiche un 17,6/20 après 74 votes), je me faisais une joie le renouveler l’expérience avec le dernier roman d’Hélène Grémillon paru lors de cette rentrée littéraire. Merci donc à PriceMinister-Rakuten d’avoir proposé ce titre dans le cadre des Match de la Rentrée Littéraire.
Sa quatrième de couverture aussi piquante qu’énigmatique a plus qu’éveillé ma curiosité. Je me suis lancée sans bien savoir de quoi il retournait, et j’ai très vite été dans l’incapacité de le reposer avant de l’avoir fini. La garçonnière commence par un coup de foudre (pas le mien, mais presque). Celui de Vittorio Puig, (un psychanalyste réputé) pour la jeune et belle Lisandra. Quelques années après leur mariage, Lisandra est retrouvée défenestrée en bas de leur immeuble. Les premiers soupçons se portent évidemment sur le mari. Il est arrêté mais ne cesse de crier son innocence et tout l’amour qu’il porte à son épouse. Parce que ça fait 5 ans qu’elle connait le docteur Puig, Eva Maria (l’une de ses patientes depuis la disparition tragique de sa fille) ne peut se résoudre à sa culpabilité, alors elle décide de l’aider en cherchant la vérité et en démasquant le véritable coupable. Au parloir, elle évalue avec son psychiatre les différentes pistes possibles et de fil en aiguille des personnalités se révèlent…
Hélène Grémillon réitère la magie en combinant une écriture délicieuse (parfois un peu crue) à une intrigue prenante dont on ne maitrise pas vraiment grand-chose au début, mais qui se construit progressivement jusqu’au dénouement où tout s’éclaire alors. Elle nous embarque là encore dans une intrigue à tiroir qui a tous les éléments d’un polar : meurtre (ou suicide ?), flics, soupons, meurtrier (présumé), enquête… Mais résumer de cette façon La garçonnière serait dénaturé l’œuvre et manquer de respect à l’auteure. La garçonnière place son histoire dans une trame historique pénible et douloureuse : en 1987 à Buenos Aires, peu après la fin de la dictature du général Videla (1976-1983), pendant laquelle des milliers de personnes ont été enlevées et torturées par la junte (certaines ont mystérieusement disparu sans jamais être retrouvées).
La culpabilité prend alors un poids important dans ce roman, autant que la suspicion. La mort de Lisandra alimente sans cesse la réflexion du lecteur, tout comme les témoignages relatifs à la « guerre sale ». J’ai été vraiment émue par ce qui avait trait aux desaparecidos, et en particuliers par Eva maria qui ne s’est jamais remise de la disparition de sa fille Stella, n’arrivant même plus à vivre avec son fils.
Helene Grémillon déploie ici une belle palette d’émotions dans une histoire qui met en avant l’amour (l’Amour avec un grand A et l’amour maternel) et la passion (parfois maladive). Avec une écriture vive, des phrases courtes, beaucoup de dialogues et des formes narratives différentes, je ne me suis pas du tout ennuyée. L’enquête classique alterne avec les discours de Lisandra et les retranscriptions d’enregistrements des séances de Vittorio avec certains patients (qui, loin de l’intrigue principale, livrent quelques faits terribles relatifs aux années noires de la dictature).
Et puis, au fil de cette investigation, on découvre des personnalités et on façonne une (voir des) théorie, mais l’incertitude est tenace d’autant que Lisandra était une femme complexe aux multiples secrets. On se pose évidemment mile questions quant à sa mort et Hélène Grémillon nous réserve de bien tragiques surprises. J’avoue même que cette fin m’a mise un peu mal à l’aise aussi bien par sa forme que par son fond. Mais c’est aussi un élément qui m’a permise d’apprécier autant son roman.
« Lisandra a toujours cru que c’était « le hasard » qui nous avait fait nous revoir et elle trouvait cela si « signifiant » que je ne l’ai jamais détrompée, elle aurait trouvé ça moins « merveilleux » sur elle avait su que c’était le résultat de tout mon zèle déployé, elle était comme ça Lisandra, elle préférait la surréalité à la réalité, et chaque fois qu’elle s’émerveillait de nos retrouvailles, je la laissait dire, elle ne remettait jamais en cause ce que le hasard lui offrait, le hasard comme guide, comme garant, triste emblème de ceux qui n’ont pas confiance en eux, nous avons dîné ensemble puis nous nous sommes revus et puis nous avons décidé de ne plus nous quitter, et très vite, le 8 décembre 1980, nous nous sommes mariés, j’aimais cette femme, elle n’était pas fait pour le sordide, elle était si fragile, Lisandra, je n’aurais jamais pensé parler d’elle au passé … » page 20-21
Hélène Grémillon réussit le pari de surprendre une seconde fois le lecteur avec un roman riche, rythmé et à l’épilogue incertain qui lève le voile sur ce titre mystérieux. La garçonnière, un coup de maître à ne surtout pas manquer, et que je ne suis pas prête d’oublier !
Merci encore à PriceMinister pour cette lecture, qui remporte la seconde place dans le classement des Matchs de la Rentrée littéraire 2013 (catégorie satisfaction).
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