Bertrand Guillot : Sous les couvertures
Sous les couvertures de Bertrand Guillot 3,5/5 (05-12-2014)
Sous les couvertures (176 pages) est sorti le 18 septembre 2014 chez Rue Fromentin Editions.
L’histoire (éditeur) :
La rentrée littéraire inquiète les livres déjà en librairie. Une fois le magasin fermé, ils décident de réagir et essaient de se mettre d'accord sur une stratégie commune. Mais entre les premiers romans, les grands écrivains, les académiciens, etc., les intérêts divergent. L'arrivée d'une nouvelle libraire avec des idées neuves met en émoi tous les ouvrages.
Mon Avis :
Petit livre intelligent et subtil, Sous les couvertures mélange les genres et pose clairement la réflexion sur ce qu’est devenu le monde littéraire actuel.
Lorsque le petit libraire (indépendant) de quartier éteint les lumières et baisse le store de sa boutique ce samedi soir, il se plaît à rêver que les livres plaisantent en son absence. S’il savait qu’après une rapide vérification pour savoir si les lieux sont bien libres, les livres débattent, épiloguent et remettre l’éternel sujet sur la tapis. Lundi matin, le patron va devoir faire de la place pour accueillir les innombrables nouveautés. Pourquoi tant de nouveautés d’ailleurs ? Et pourquoi les lecteurs lisent moins ? Si seulement les livres en rayons pouvaient avoir leur place sur la tables devant la caisse et posséder une jaquette comme tous ceux-là, ceux dont on parle parce que pour une raison X ou Y la maison d’édition a choisi de leur faire grande pub. Sachant qu’ils ne survivront pas à cet inventaire, les livres ouvrent le Grand Conseil pour tenter de trouver une solution. L’heure est grave et la guerre est déclarée contre les best-sellers !
Entre conte épique, roman dramatique et plume caustique, on déguste ces pages inégalement (les passages de guerre sont confus, long et difficile à visualiser), mais on apprécie l’ensemble qui trouve une certaine originalité et de bons mots. On s’inquiète aussi de la disparition des libraires indépendants (amoureux des livres avant tout !), on réfléchit sur la production littéraire actuelle en masse et périssable (fidèle à la société de consommation : devenant une production « kleenex »), sur nos pratiques de lecteurs et sur les tactiques commerciales des maisons d’éditions.
« On lisait moins, donc, mais on écrivait toujours autant et les maisons d’éditions n’avaient pas ralenti leur production, si bien que chaque semaine ou presque, il arrivait plus de nouveautés dans les librairies qu’il ne s’en était vendu depuis le précédent carton. Dépassé par cette frénésie de renouvellement, le pauvre libraire faisait son possible pour garder avec lui un maximum de titres : il avait ajouté des rayons jusqu’au sol et au plafond, et chaque lundi serrait les livres les uns contre les autres, en espérant toujours que les clients viendrait redonner un peu d’air à son petit commerce. » page 17
Les livres personnifiés, devenus personnages à part entière, et le quelques personnages de chair et d’os donnent à réfléchir les dysfonctionnements du monde de l’édition. C’est fin et touchant. Les amoureux des livres papiers devraient forcément être sensibilisés par ces pages, entre un libraire profondément morose avec une librairie qui ne fait plus le poids devant les grandes enseignes sur 3 étages qui brassent le papier sans amour mais de manière plus rentable (pire encore pour le commerce en ligne !), une apprentie qui fourmille d’idées pour faire vivre ce petit commerce avec bonheur et partage mais qui a bien du mal à communiquer avec un patron usé, des livres effrayés par tant de nouveautés et d’ententes commerciales pas forcément logiques ni bonnes mais conscients que leur fin est proche s’ils ne sont pas plus mis en avant… Et puis, l’auteur aborde aussi les auteurs (pas assez présents à mon goût) et surtout les petits, blasés qui malgré des salons autres rencontres, ont conscience de ne pas pouvoir rivaliser face aux campagnes médiatiques des grands, des blogueurs (qui croulent sous les services-presse), du fils du vieux libraire qui vit et gagne sa vie avec le numérique.
« Comment peut-on aimer lire et devenir critique littéraire ? se demandait-elle en montant l’escalier. Chaque jour de nouveaux romans, et chaque semaine des chroniques à rendre, le blog à tenir, une pige sur la radio locale…comment faisait-elle quand venait un pavé de cinq cents pages alors que trente ou cent autres attendaient déjà en piles branlantes dans sa chambre ? ne lisait-elle que les romans des auteurs qu’elle connaissait déjà ? Ou ceux des grandes maisons ? Ne lisait-elle que quelques pages ? » Page 42
Sans pour autant rejeter la technologie (et sa fameuse tablette et autres liseuses), on a sérieusement envie de flâner dans ce genre d’échoppes au parquet qui grince entre les rayons, d’échanger avec la vendeuse souriante qui a très envie de nous présenter son dernier coup de cœur. En gros, de les faire vivre avant que ces boutiques ne finissent par toutes disparaître (sans forcément dévaliser les rayonnages, car soyons honnêtes ce n’est pas toujours évident financièrement de s’offrir des livres).
Toutefois, si j’ai trouvé Sous les couvertures riche, intéressant, et écrit avec une joli plume imagée et réaliste j’avoue que la bataille livresque a fait retomber mon enthousiasme (trop longue et un peu brouillon avec ces complots). Et même s’il n’est dans le fond pas franchement original (car ces problématiques sont déjà connues), les personnages restent touchants et permettent de remettre en avant un triste constat. Le tout rend surtout un bel hommage aux (vrais) livres, lecteurs et libraires !
En bref : un roman à découvrir par tous ceux qui aiment le papier et pour ceux qui ont envie de passer un bon moment épique, tendre et ponctué d’humour.
Merci à Price Minister pour cette agréable lecture !
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