Baptiste Beaulieu : Toutes les histoires d’amour du monde
Toutes les histoires d’amour du monde de Baptiste Beaulieu 5/5 (18-10-2018)
Toutes les histoires d’amour du monde (470 pages) est disponible depuis le 17 octobre 2018 aux Editions Mazarine.
L'histoire (éditeur) :
Le grand-père de Jean, Moïse, raconte dans des lettres d'amour l'histoire de sa vie. Lorsque Jean et son père les découvrent, le premier est surpris, le second tombe dans une profonde mélancolie : la destinatrice, Ann-Lise Schmitt leur est inconnue et ils voient Moïse sous un nouveau jour, loin de l'homme dur qu'ils connaissent. Jean tente de comprendre et dévoile un lourd secret.
Mon avis :
Toutes les histoires d’amour du monde n’est pas l’histoire de Baptiste Beaulieu et de sa famille mais celle de Jean (son double) et de son grand-père Moise qui à travers des lettres écrites à une mystérieuse Anne-Lise Schmidt, déploie son histoire connue de lui seul. Alors évidemment impossible de ne pas imaginer cette double histoire (celle de Moise, passée, et celle de Jean et son père, actuelle) comme étant celle de l’auteur qui lance là un grand appel à l’aide, une bouteille à la mère dans l’intention de retrouver cette femme. C’est d’ailleurs comme telle que je l’ai lue, impossible de détacher l’image de Baptiste Beaulieu collée à ce jeune homme mal dans sa vie parce qu’en froid avec son père Denis et soudainement pris par le besoin, et le devoir de découvrir l’histoire de son passé, enfin celle de Moïse, évidemment…
« Page après page, je vais avancer dans l’histoire de Moïse. Je vais faire revivre son monde pour mon père puis, quand j’aurai fini ma lecture, nous serons enfin prêts à trouver Anne-Lise. » Page 94
Depuis la mort de son grand-père, Jean n’a pas reparlé à son papa Denis. Aujourd’hui ce dernier est dans la salle d’attente de son fils, pas prêt à de plates excuses ni à se réconcilier mais pour lui livrer sa découverte, lui faire part d’une terrible nouvelle : son père avait écrit et conservé une centaine de lettres écrites de 1960 à 2003 à une inconnue, toutes datée du 3 avril de chaque année. Désemparé et obnubilé depuis cette découverte, Denis est habité par un féroce besoin de la retrouver, mais aujourd’hui alité, il est incapable de poursuivre ses recherches et confie alors à son fils Jean les carnets. Celui-ci voyant là un moyen de recoller les morceaux, renouer le contact et gagner l’amour et la reconnaissance de son père, choisit de se lancer dans la lecture et évidement la reconstruction du passé familiale à travers différentes et bouleversantes rencontres (par toujours véritablement « honnêtes » mais toujours sincères : Marie Neveux et ses bébés, Victorine et sa boutique, Henri et son petit déjeuner du cœur, Martine l’infirmière qui ont tant à nous apprendre).
« Avant de nous séparer, sa dernière phrase a été : « Le tout premier progrès que fait le nourrisson, vers un mois de vie, c’est de sourire et, moi je trouve cette idée à la fois fascinante et réconfortante, car elle nous oblige, tu ne trouves pas ? » » Pager 122
« « J’ai 65 ans, j’aime ma famille, mes enfants, mes petits-enfants, et, si je pouvais leur laisser un conseil ce serait : aime tout le monde quitte à te tromper, mais essaye l’amour en premier plutôt que la méfiance ! Un homme, ça se considère. » Page 171
Toutes les histoires d’amour du monde est un MAGNIFIQUE et PASSIONNANT roman.
C’est d’abord les lettres qu’écrit Moïse à une femme retraçant sa vie à lui et par-là leur histoire à eux deux. C’est si bouleversant et riche que la lecture se faire avec un véritable engouement (un roman à elles toutes seules). On est pressé de se replonger dans ces courriers, pressé de redécouvrir l’Histoire à travers Moïse, de découvrir sa vie, cette mystérieuse Anne-Lise et bouleversé par tant d’épreuves et de non-dits.
« Ecrire comme je le fais ici est plus facile que parler au vivants. Il faudra bien qu’un jour quelqu’un dans cette famille rompe la malédiction transmise par ma mère. » Page 167
Ensuite, c’est l’histoire d’une famille que Moïse, bien qu’étant parti, réussit à ressouder. Jean m’a tellement émue… Ces pages passées en sa compagnie, à tenter de reconstruire l’espoir plus que la vérité m’a souvent fait sourire, m’a tellement troublée. J’ai eu plus d’une fois des papillons dans le ventre par ses mots mais aussi ressenti une certaine affliction face à sa peur de décevoir son père, à tenter de le rendre heureux coute que coute collectionnant pour ça les histoires, pas vraiment celles de Moïse mais les livrant comme telles, cherchant ainsi à attendrir son cœur pour le retrouver.
« - Incroyable ! S’extasie mon père à l’autre bout de la ligne ? C’est magnifique, fiston, magnifique ! »
Mon cœur manque un battement. Cette fois-ci, pas de doute possible : il a bel et bien dit « fiston ». Signe qu’il est temps d’enfoncer le clou. » Page 173
Alors évidement chaque succès, même minime, est autant pour Jean que pour nous, un moment de bonheur intense.
Parce qu’il y en a des émotions là-dedans !!!!
« On ne choisit pas ce qui reste dans nos mémoires, mais je suis sûr que le dernier souvenir qu’on brule, c’est l’amour. Tu seras la dernière à t’en aller de ma tête, ma Lisette, et tant pis pour moi ! T’oublier m’aurait rendu la vie bien moins pénible, il faut que tu les saches. » Pages 36-37
« Il y a des Hommes, ma chérie. Et avec eux viennent des émotions, des violences, des histoires. Des jeunes Allemands qu’on arrache aux branches des pommiers. Parfois des gestes comme un mouchoir tendu. Parce que c’est comme ça. Parce que nous sommes humains et que nous faisons de notre mieux avec ce que les circonstances exigent de nous. Je le sais bien que ce que je t’écris est la stricte vérité. Alors pourquoi a-t-on mal ? Pourquoi est-on si sévère avec soi-même ? Pourquoi regrette-t-on ? » Page 201
Toutes les histoires d’amour du monde est encore un roman d’une immense humanité (à l’image de son auteur qui signe là en plus un incroyable roman personnel). Roman d’amour, filial, passionné, tendre, perdu… ce nouveau Baptiste Beaulieu est un concentré d’émotions, une pépite de tendresse et un roman d’une profonde générosité.
« Philia : sentiments désintéressé, fait d’élan, de générosité et de chaleur humaine qu’on rapprocherait aujourd’hui du terme « amitié », mais une amitié solide, sur laquelle on est sûr de compter. » Page 14
« Storgê : c’est le « je t’aime » d’une mère à son enfant, d’un frère à une sœur, l’amour au sein du foyer, l’affection familiale. » Page 194
« Eros : amour passionnel, comme désir et comme manque, visant à reconstituer l’unité de l’être originel et séparé par les dieux. » page 318
C’est un livre qui parle de la grande Histoire, de courage, de beauté, d’amour et encore d’amour, de secrets, de reconnaissance, de regrets, de descendance, de différences, de souvenirs et de mensonges. Baptise Beaulieu sait conter l’importance des choses, sait mettre en avant la beauté du monde et de l’humain.
« Tous les jours, toute la beauté du monde vient nous visiter, l’ignorez-vous ? Elle éclate là, sous nos yeux. Elle est dans un baiser furtivement donné. Dans ces mains réunies, puis réunies plus fort. Dans le rire innocent et sans objet de nos enfants. Dans ce premier élan du cœur qui jaillit lorsque, de passage dans la rue, vous reconnaissez un vieil ami et que ce vieil ami vous reconnait.
Elle change d’habits tous les jours, toute la beauté du monde ! Et ce n’est jamais chose aisée que de la reconnaître. Nous devrions passer les 24 heures de nos jours, 365 jours par an, toutes les années de nos vies ici-bas à reconnaître ses masques. » Page 130
« On dresse des monuments aux morts qui se sont combattus, on ne dresse jamais rien aux vivants qui ont tendu la main. » Page 209
Je ne peux que vous conseiller de lire ce titre. Soyez prévenus, il va vous captiver évidement mais surtout vous agripper le cœur si fort que vous risquez de tourner certaines pages le cœur serré à l’extrême, les larmes aux bord des yeux ou à l’inverse chargé à bloc de bonté et de bonheur.
J’espère de tout cœur qu’Anne-Lise, Lisette croisera la route de Baptiste Beaulieu et son papa, qu’au moins un lecteur sur mille puisse faire bouger les choses et ouvrir une piste pour qu’enfin que ce roman poursuive sa route jusqu’à leur rencontre.
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