Libre-R et associés : Stéphanie - Plaisir de lire

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Delphine de Vigan : D'après une histoire vraie

D'après une histoire vraie de Delphine de Vigan   4,75/5 (27-10-2015)

 

D'après une histoire vraie (477 pages) est disponible depuis le 26 août 2015, paru chez les Editions JC Lattès (Littérature française).

 

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L’histoire (éditeur) :

 

"Ce livre est le récit de ma rencontre avec L. L. est le cauchemar de tout écrivain. Ou plutôt le genre de personne qu'un écrivain ne devrait jamais croiser."
Dans ce roman aux allures de thriller psychologique, Delphine de Vigan s'aventure en équilibriste sur la ligne de crête qui sépare le réel de la fiction. Ce livre est aussi une plongée au cœur d'une époque fascinée par le Vrai.

 

Mon avis :

 

Après l’incroyable succès de Rien ne s’oppose à la nuit, difficile de se remettre à l’écriture. Parce qu’il était si personnel et intime et parce que les retombées ont été comparables à un raz de marée, Delphine de Vigan n’arrive plus à faire face.

« Maintenant, je peux l’admettre : l’écriture qui m’occupait depuis si longtemps, qui avait si profondément transformé mon existence et m’était si précieuse, me terrorisait. » Page 9

« Je venais de comprendre quelque chose de terrible et vertigineux : j’étais dorénavant mon pire ennemi. Mon propre tyran. » Page 154

 

Après analyse et deux années de recul, elle comprend maintenant que sa rencontre avec L. et la relation vampirique qui a suivi, au moment où la fatigue et la vulnérabilité avaient atteint des sommets, a été pour beaucoup dans cette « panne », vécue de manière excessive comme une véritable maladie (voire un trouble obsessionnel) empêchant toute écriture.

Qui est L. ? Quel est son rôle dans tout ça ? Da façon personnelle, Delphine De Vigan revient sur la relation intense vécue après son succès déstabilisant.

« L. faisait mouche, la plupart du temps. Même si dans sa bouche les choses semblaient souvent plus dramatiques qu’elles ne l’étaient, même si elle avait tendance à tout mélanger, il y avait toujours un fond de vérité.

L. semblait savoir tout de moi, sans que je n’aie rien dit. » Page 75

L. (nègre autobiographie !) à laquelle s’est progressivement tant attachée Delphine de Vigan, semble si proche, disponible, réconfortante et à l’écoute. Elle possède une facilité à la cerner. Et toutes ces coïncidences, ces points communs…Tout cela, et la fragilité qui habite l’auteure, transforme ce qui parait être une banale et belle amitié salvatrice en tourment.

« Encore aujourd’hui, il m’est difficile d’expliquer comment notre relation s’est développée si rapidement, et de quelle manière L. a pu, en l’espace de quelques mois, occuper une telle place de ma vie.

L. exerçait sur moi une véritable fascination.

L. m’étonnait, m’amusait, m’intriguait. M’intimidait.

L. avait une façon singulière de rire, de parler, de marcher. L. ne semblait pas chercher à me plaire, ne semblait jouer aucun jeu. Elle m’impressionnait  au contraire par sa capacité à être elle-même (au moment où j’écris ces ligne, je prends conscience de leur naïveté, comment pouvais-je savoir qui était L. après si peu de temps ?). » Page 79

  

Voilà sans doute comment L. s’est installée dans ma vie, avec mon consentement, par une sorte d’envoûtement progressif. » Page 257

D’après une histoire vraie est un roman qui jongle entre la fiction et l’autobiographie dans une atmosphère anxiogène et malsaine. Il vous laisse tout du long avec une sensation d’oppression et une série de doutes sur tout et surtout sur la véracité de tout ça.

L. s’enfonce dans sa vie personnelle (sans jamais s’imposer dans sa vie de famille et de couple) devient de plus en plus concerner par la vie de Delphine au point d’en arriver doucement à la diriger.

«  Je n’avais pas besoin d’une nouvelle amie. Mais au fil de nos conversations, et dans cette attention constante qu’elle me portait, j’ai fini par croire que L. seule pouvait me comprendre. » Page 257

« Parfois me vient l’image un peu galvaudée d’une araignée qui aurait tissé sa toile avec patience, ou d’une pieuvre aux multiples tentacules, dont j’aurais été prisonnière. Mais c’était autre chose. L. était plutôt une méduse, légère et translucide, qui s’était déposée sur une partie de mon âme. Le contact avait laissé une brulure, mais elle n’était pas visible à l’œil nu. L’empreinte me laissait en apparence livre de mes mouvements. Mais me reliait à elle, bien plus que je ne pouvais l’imaginer. Page 295

Cette amitié devient évidement dangereuse et le mot fatal prend doucement place dans cette relation, spirale infernale qui fait monter la tension crescendo.

« J’ignore pourquoi je ne lui ai pas parlé ce jour-là. Pourquoi je n’ai pas mentionné L. et cette impression, à son contact, que les serres d’un rapace broyaient mon cerveau. » Page 325

 

Une question reste en suspens : quelle est la part de vrai dans tout ça ?

Parce qu’à travers ce roman aux airs de thriller psychologique aux formes d’autobiographie, il est question d’écriture, de l’importance du réel dedans, et des attentes des lecteurs. Delphine de Vigan laisse ici le lecteur choisir (ou pas) entre l’imaginaire et la réalité et s’interroger sur l’usage du véridique dans la fiction.

« - Tu sais, la fiction, l’autofiction, l’autobiographie, pour moi, ce n’est jamais un parti pris, une revendication, ni même une intension. C’est éventuellement un résultat. En fait, je crois que je ne perçois pas les frontières de manière aussi claire. Mes livres de fiction sont tout aussi personnels, intimes, que les autres. On a parfois besoin du travestissement pour explorer la matière. L’important, c’est l’authenticité du geste, je veux dire sa nécessité, son absence de calcul. » Page 107

 

Déstabilisant…et tellement prenant ! D’après une histoire vraie m’a captivée. Le doute et les interrogations sont omniprésents (à bien des niveaux). L’auteure nous entraîne avec panache dans cette histoire aux allures de récit de Stephen King (il faut dire que les citations empruntées à Misery et à La part des ténèbres nous mettent aussi sur la voie). Il y a un  côté terrifiant dans cette descente aux enfers, dont il semble presque impossible de se sortir, qui m’a empêchée de reposer le livre.

 

Et la forme est comme toujours un pur plaisir ! J’ai adoré retrouver la plume qui m’avait tant plu dans Rien ne s’oppose à la nuit. L’expression des émotions est toujours aussi délicate, franche et naturelle. Je me suis senti proche de l’auteure, et attachée à elle comme on s’attache habituellement aux personnages, car ce qu’elle y exprime trouve systématiquement une résonance en moi.

 

En bref : La sensibilité de l’écriture de Delphine de Vigan me plait énormément. Ajoutée à cela une intrigue brillante et troublante, D’après une histoire vraie est un roman très réussi. Ça valait le coup d’attendre 4 ans !



01/11/2015
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