J. D. Vance : Hillbilly Elégie
Hillbilly Elégie de J. D. Vance 3,75/5 (23-10-2017)
Hillbilly Elégie (288 pages) est sorti le 6 septembre 2017 aux Editions Globe (traduction : Vincent Raynaud).
L’histoire (éditeur) :
Dans ce récit à la fois personnel et politique, J.D. Vance raconte son enfance chaotique dans les Appalaches, cette immense région des États-Unis qui a vu l’industrie du charbon et de la métallurgie péricliter.
Il décrit avec humanité et bienveillance la rude vie de ces « petits Blancs » du Midwest que l’on dit xénophobes et qui ont voté pour Donald Trump. Roman autobiographique, roman d’un transfuge, Hillbilly Élégie nous fait entendre la voix d’une classe désillusionnée et pose des questions essentielles. Comment peut-on ne pas manger à sa faim dans le pays le plus riche du monde ? Comment l’Amérique démocrate, ouvrière et digne est-elle devenue républicaine, pauvre et pleine de rancune ?
Mon avis :
« Si les problèmes commencent à Jackson, il est difficile de dire où ils finissent. Ce que j’ai compris il y a bien des années en regardant ce cortège funèbre en compagnie de Mamaw, c’est que je viens des collines. Comme une part importante de la classe ouvrière américaine. Et pour nous, les gens des collines, les choses vont mal. » Page 31
À travers son histoire familiale personnelle, J. D Vance expose une étude sociologique, politiques et économique. Il développe sa théorie sur ces Hillbillies, « péquenauds blancs », agrémentée de chiffres et de données exploitées précédemment par de nombreux professionnels et d’anecdotes personnelles. Il tente de comprendre ainsi sa réussite personnelle si loin des standards, et explore l’état actuel de la rust belt, la « ceinture de rouille », au nord des Etats Unis, vaste région industrielle en plein déclin depuis les années 80.
Ce long récit aurait pu tomber dans une analyse économique fastidieuse de la région des Appalaches dont il est originaire ou une plate autobiographie mettant en avant la réussite personnelle de l’auteur, mais Hillbilly Elégie est un mélange intelligent de l’un et l’autre permettant au lecteur de comprendre les enjeux, d’appréhender la situation sociale catastrophique mais de garder à l’esprit que rien n’est joué d’avance. Il utilise de ce qu’il y a de plus pertinent dans l’un et l’autre des exercices pour en tirer le meilleur.
« Ce livre n’est pas mon histoire, mais celle de ma famille – une histoire d’occasions saisie et d’ascension sociale vue à travers les yeux d’un groupe de Hillbilies des Appalaches. Deux générations auparavant, mes grands-parents crevaient de faim et s’aimaient. Ils se marièrent et partir vers le Nord en espérant échapper à la terrible pauvreté qui les entourait. Aujourd’hui leur petit-fils –moi- est diplômé d’une des meilleures universités du monde. Voilà pour la version courte. La version longue, ce sont les pages qui suivent. » Page 17
Cet avocat diplômé de Yale, fils d’une mère instable, accro aux drogues et d’un père qui a préféré renoncer à ses droits paternels pour refaire sa vie, tente de comprendre comment il a réussi à s’échapper de cette déchéance collective, à cet engrenage d’échecs et héritage culturel porté vers le bas cultivé par un manque de motivation certain. C’est passionnant et loin d’être si pessimiste.
« Cette rare marque de faiblesse de Papaw mettait le doigt sur une question fondamentale pour les Hillbilies : quelle part de nos vies, bonnes ou mauvaises, devons-nous mettre au crédit de nos décisions personnelles, et quelle autre part est l’héritage de notre culture, de nos familles et de nos parents qui nous ont laissés tomber dans notre enfance ? Quelle part de responsabilité maman avait-elle dans sa propre vie ? Où s’arrête le reproche et où commence la compassion ? » Page 254
« Malgré la pression du voisinage et de la communauté, chez moi j’ai entendu un autre message. Et c’est peut-être ce qui m’a sauvé. » page 73
« Grandir dans un endroit où il y a beaucoup de pères et de mères célibataires, et où bon nombre de vos voisins sont aussi pauvres que vous, réduit l’éventail des possibilités. Cela veut dire qu’à moins d’avoir des grands-parents comme Mamaw et Papaw pour s’assurer que vous ne prenez pas une mauvaise route, vous risquez de ne jamais y arriver. Cela veut dire que vous n’avez personne pour vous enseigner par l’exemple le résultat d’un dur labeur et d’études réussies. Surtout, cela veut dire qu’il manque l’essentiel de ce qui nous a permis, à moi, Lindsay, Gail, Jane Rex er tante Wee, de trouver une forme de bonheur. Je n’étais donc pas étonné que l’Utah mormon – avec son Eglise forte, ses communautés intégrées et ses familles solides – écrase l’Ohio postindustriel. » page 224
Authentique et parfois dur (il n’y va d’ailleurs pas avec les dos de la cuillère pour parler des siens et de sa famille), Hillbilly Elégie a le mérite d’être sans fard et surtout sans cliché. Ça se lirait presque comme un roman s’il n’y avait pas tant de données précises pour alimenter ses propos et surtout tant d’explications économico-politiques et statistiques.
« Les plus pessimistes sont les Blancs de la classe ouvrière. Plus de la moitié des Noirs, des Latinos et des Noirs diplômés pensent que leurs enfants réussiront économiquement mieux qu’eux. Parmi les Blancs de la classe ouvrière, seuls 44% partagent cette optimisme. Plus surprenant encore, 42% des Blancs de la classe ouvrière – le chiffre le plus élevé, de loin, de cette étude – affirment que leur vie est pire, sur le plan économique, que celle de leurs parents.
En 2010, ce n’était pas du tout mon état d’esprit. J’étais heureux d’être arrivé où j’étais et de je débordais d’espoir pour l’avenir. Pour la première fois de ma vie, je me sentais étranger à Middletown. Et ce qui faisait de moi un étranger, c’était mon optimisme. » page 216
Mais, on est assez vite emporté par son texte qui a le mérite de soulever de nombreuses analyses percutantes et pertinentes et c’est d’ailleurs finalement plus pour ses informations parfaitement formulées qu’on retient ce récit. Parce que même si J. D Vance met en lumière des gens formidables, notamment des grand- parents opiniâtres qui ont tout fait pour lui inculquer le respect de la famille et l’importance des études, il est avant tout question d’une classe sociale oubliée. C’est un tableau assez sombre d’une Amérique marquée par la pauvreté, l’abus (alcool, drogue et violence), la frustration, la fainéantise et la colère mais pas exempt d’amour, de volonté, d’honneur et de bienveillance.
« A Middletown, j’ai vu certains de mes amis devenir des adultes qui réussissaient été d’autres succomber aux pires tentation – se droguer, finir en prison. Seul sépare les premiers des seconds ce qu’ils attendaient de leur propre vie. Pourtant, la droite le répète de plus en plus : ce n’est pas de votre faute si vous êtes des ratés, c’est celle du gouvernement. » Page 215
« Pour ma part, je comprenais mon passé et savais qu’il n’était en rien une condamnation, ce qui me donna assez d’espoir et de force pour affronter les démons de mon enfance. » page 251
A découvrir aussi
- Jojo Moyes : La liste de Noël
- Dani Atkins : Une seconde chance
- Sara Novic : La jeune fille et la guerre
Inscrivez-vous au blog
Soyez prévenu par email des prochaines mises à jour
Rejoignez les 292 autres membres