Eric-Emmanuel Schmitt : La trahison d'Einstein
La trahison d'Einstein de Eric-Emmanuel Schmitt 4,75/5 (06-02-2014)
La trahison d'Einstein (162 pages) est paru le 15 Janvier 2014 aux Editions Albin Michel.
L’histoire (éditeur) :
Sur les rives d’un lac du New Jersey, deux excentriques se rencontrent et sympathisent. L’un est Albert Einstein ; l’autre est un vagabond en rupture avec la société.
À ce confident de hasard, Einstein expose son dilemme. Pacifiste militant, il connaît les conséquences terrifiantes de ses travaux théoriques et craint qu’Hitler et les nazis ne fabriquent la première bombe atomique. Devrait-il renier ses convictions et prévenir Roosevelt, afin que l’Amérique gagne la course à l’arme fatale ? Quel parti prendre alors que le FBI commence à le soupçonner, lui, l’Allemand, le sympathisant de gauche… le traître peut-être ?
Dans cette comédie intelligente et grave, drôle parfois, Eric-Emmanuel Schmitt imagine le conflit moral d’un homme de génie, inventeur malgré lui de la machine à détruire le monde.
Mon avis :
Depuis toujours j’aime lire les pièces de théâtre, mais c’est vrai que je n’en ai plus vraiment l’occasion (du moins beaucoup moins que pendant ma scolarité). Alors quand l’occasion se présente je l’attrape forcément et quand en plus c’est du Eric-Emmanuel Schmitt (un auteur que j’ai découvert depuis peu mais que j’apprécie de plus en plus) et bien je fonce !
Einstein « si j’entrais dans une synagogue, Dieu ne me reconnaîtrait pas. D’ailleurs, la seule religion ne fait pas le Juif. Quel leurre ! Un jour des années 30, je me réveille différent ; la veille j’étais un Allemand, ce matin-là j’étais un Juif. Que s’était-il passé pendant la nuit ? Hitler avait gagné les élections. L’antisémitisme m’avait repeint en Juif. » Page 38
La trahison d'Einstein, pièce à la fois grave et comique, est l’échange qu’a Einstein avec un vagabond, rencontré sur les bords d’un lac du New jersey (où Einstein vient souvent faire de la voile) sur une dizaine d’année. Si le dialogue s’ouvre sur des répliques pleines d’humour, la suite prend une tournure plus délicate quand il est question de la guerre qui gronde en Europe et de la peur du communisme qui sévit en Amérique (avec l’arrivée d’un troisième homme travaillant pour le gouvernement et chargé de surveillé le génie).
Les deux hommes se livrent sur la guerre et ses ravages. Le premier, un homme solitaire et « indépendant » qui a perdu son fils à la guerre en 1918 (puis le reste), a une vision personnelle des soldats et du patriotisme. Einstein, lui est un homme pacifiste qui voit en les négociations l’unique et véritable moyen de résoudre des conflits. La trahison d'Einstein montre l’implication qu’a eue le physicien dans les événements de 1945 à Hiroshima et surtout son profond sentiment de culpabilité. Quand il découvre que les nazis travaillent sur une bombe à uranium, il choisit d’interpeller Roosevelt afin (espère t’il) que l’arme nucléaire ne tombe pas entre les mains des fascistes et d’éviter le pire. Mais le pire finit malgré tout par se produire en août 1945 lorsque les américains bombardent Hiroshima, faisant des milliers de victimes innocentes.
Einstein (marmonnant) : « je ne sais pas comment se déroulera la troisième Guerre mondiale, en revanche je suis certain qu’il n’y aura pas foule pour commencer la Quatrième. L’Amérique a gagné la guerre mais l’humanité a perdu la paix. (Avec fureur) Quelle trahison ! Nous préparions la bombe pour lutter contre les Allemands et voilà que Truman la balance sur les Japonais. » Page 97
J’ai beaucoup aimé cette pièce qui mélange le drame et l’humour dans un fort contexte historique. Einstein n’est pas ici un homme sur-intelligent, et on est loin de l’image du génie habituellement véhiculée. Ce qui ressort avant tout, c’est son humanisme et son terrible cas de conscience. Nos principes ne dictent pas toujours nos décisions, la preuve ici avec ce conflit moral qu’il vit
Eric-Emmanuel Schmitt signe un court texte, réaliste et critique qui a le mérite de mettre le lecteur dans un contexte précis sans l’inonder de détails historiques. C’est simple (trop peut-être, et un poil manichéen) et ainsi très accessible et extrêmement clair. J’ai vraiment passé un bon moment avec ce trio. L’auteur arrive à nous faire autant réfléchir que sourire, et la relation entre Einstein et Le vagabond, qui vire en amitié au fil de leurs rencontres, est presque émouvante.
Pour info : la pièce est depuis le 30 janvier jouée au Théâtre Rive Gauche à Paris (jusqu’au 30 mars 2014). Je suis curieuse de voir que ce ça donne interprété par Jean-Claude Dreyfus, Francis Huster, et Dan Herzberg.
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