Libre-R et associés : Stéphanie - Plaisir de lire

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Nicolaia Rips : Garder la tête hors de l’eau, une enfance au Chelsea Hôtel

Garder la tête hors de l’eau, une enfance au Chelsea Hôtel  de Nicolaia Rips   4,5/5 (12-03-2017)

 

Garder la tête hors de l’eau, une enfance au Chelsea Hôtel  (312 pages) est disponible depuis le 11 janvier 2017 aux Editions Fayard/Pauvert (traduction : Cécile Dutheil de la Rochère)

 

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L'histoire (éditeur) :

 

Si les plus célèbres résidents du Chelsea Hotel – Andy Warhol, Leonard Cohen ou Patti Smith, pour en citer quelques-uns – ne hantent plus ses couloirs depuis longtemps, l’atmosphère festive et fantasque associée à ce lieu mythique de New York est demeurée intacte. Fille d’un avocat devenu romancier au goût prononcé pour les vêtements bien coupés et d’un ancien mannequin désormais artiste de renommée mondiale, Nicolaia Rips a grandi dans cet écrin d’artistes et d’originaux. À l’école, Nicolaia est l’objet des quolibets de ses camarades de classe, filles à la mode un peu pestes ou garçons tapageurs. Il faut dire que ses tentatives maladroites d’intégration se soldent systématiquement par des échecs fracassants. Et si son principal talent, celui de porter des toasts, fait la fierté de son père, il se révèle peu utile pour nouer des amitiés avec les autres enfants. C’est donc naturellement dans la faune excentrique du Chelsea Hotel qu’elle trouve sa véritable famille – sa voisine (ou son voisin ?) Stormé, une asperge albinos de quatre-vingts ans qui porte toujours un pistolet rose sanglé à la cheville ; Jade, sa baby-sitter le jour qui pourrait bien être escort girl la nuit ; ou encore Artie, ancien propriétaire de l’une des boîtes de nuit les plus prestigieuses de New York.
Avec délicatesse, candeur et humour, Nicolaia Rips livre le récit haut en couleur de son enfance singulière, et dresse le portrait d’une tribu baroque et survoltée. 

 

 

Mon avis :

 

Ah, comme j’ai aimé cette lecture rafraichissante, touchante, divertissante et  parfois très dole.
Nicolaia Rips nous raconte son enfance new yorkaise,  dans un deux pièces du Chelsea Hotel où logeaint ses parents en tant résidents permanents (comme des dizaines d’autres occupants)  depuis ses deux ans. Un endroit qui mélangeait artistes excentrique, drogués et autres énergumènes en tout genre.

 
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Eduquée par une mère, ancienne mannequin, voyageuse dans l’âme devenue artiste peintre, et un père écrivain dilettante qui transforme ses lectures d’adulte en récits pour jeune enfant et qui fait d’elle la mascotte du café où il passe régulièrement son temps (le choix de  la première école se fera d’ailleurs en fonction sa situation géographique par rapport à ses cafés préférés), Nicolaia finit par rentrer en maternelle à 5 ans, l’une des plus prisées de Manhattan (essentiellement fréquentée par des enfants d’acteurs célèbres), même si le test d’entrée (et notamment la présentation du papa totalement hors de propos) semblait si peu prometteur.
Cette scolarisation marquera surtout son entrée dans le vrai monde de l’enfance (et celui des premières amitiés), dont les portes vont très rapidement se fermer après une baignade qui tourne mal…

 

« Je voulais que la prof de danse me prenne au sérieux, il me fallait donc absolument, dès le premier jour, un tutu et des chaussons assortis. Mes parents n'y ont vu aucune objection. (...)

- Le code vestimentaire ne tolère ni tutu ni chausson. Ni rose, a-t-elle craché.

Mon tut se faisait de plus en plus étroit.

- Toi - elle me dévisageait, l'air accusateur - tu crois que la danse est un divertissement de princesses, de fées-marraines et de galants messieurs...

Je n'avais pas songé à ces derniers, mais l'idée de les inclure au tableau ne me déplaisait pas.

- Sauf que nous sommes un certain nombre à penser que tout ça appartient au passé.

Comment ça nous ? et quel passé ? La révolution était en marche et j'avais pris le mauvais train, c'est ça ?

- Pour nous, a repris Fifi, des ivrognes qui vacillent autour d'un bar ont plus d'authenticité que les casse-noisettes....

Ne pas oublier de dire à mes parents qu'ils ont un avenir dans la danse. » Page 56-57


Cela ne va pas l’empêcher de grandir, de façon originale certes, ses plans souvent contrariés et ses modelés peu communs, mais sans pour autant mal tourner.

 

 « Terrifiée, j'ai fait part de ma décision à mes parents. Ils ne comprenaient pas pourquoi j'étais inquiète. Ils m'aideraient à trouver les monologues, c'était promis, j'apparaitrais sur scène, je les réciterais, et le jury annoncerait aussitôt n'avoir jamais vu de candidat aussi talentueux.

C’était exactement le genre de pièges que mes parents mettaient régulièrement sur mon chemin - les peaux de bananes de leur optimisme - qui, cela ne manquait jamais, m'envoyaient valser dans les airs avant que je ne retombe sur la tête. Avec le temps, j'avais appris à leur pardonner ce type de réaction : ils étaient du Midwest où, semble-t-il, on entendait rarement une remarque décourageante, et où à chaque fois que l’un ou l'autre décidaient  de se lancer dans une nouvelle entreprise, doc assez rarement, l'univers leur ouvrait la voie et leur permettait d'accomplir leur projet. » Page 277-278

 

Bon ça ne sera pas roses tous les jours évidement car entre l’exubérance (et la folie) des adultes qui l’entourent, la méchanceté des autres, et le sort qui s’acharne, Nicolaia va en affronter des épreuves, essuyer différents carnages sociaux et accidents fous… mais pour notre plus grand plaisirs !

Raconté avec le ton de l’enfance mêlé à grande acuité émotionnelle et une maturité toute particulière, Garder la tête hors de l’eau est un récit atypique. Nicolaia Rips choisit de transformer mille et une douleurs en aventures pétillantes et drôles et les scènes qui auraient pu être de vrais drames finissent en évènement tragi-comiques absolument délicieux. Le tout servit dans un décor fin XIX, peuplé d’artistes (acteur, peintre, photographe…), stylistes, habitants festifs, perdus, excentriques et décalés.

 

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Nicolaia Rips et ses parents

 

Tous ses souvenirs, anecdotes, déconvenues, ces tranches de vie que l’auteure nous raconte de manière chronologique, forme un récit haut en couleur, sorte de roman initiatique écrit dans un style alerte très plaisant.


1Rips avec son père dans leur appartement à l'Hôtel Chelsea.jpg

Nicolaia Rips et son père


L’enfant persuadée d’être habitée par l’âme de Groucho Marx a fini par devenir une jeune fille finalement mieux entourée que beaucoup d’autres, ou en tout cas tourne son récit de manière à n’en garder que de bons souvenirs.
« Désormais je m’endormais en me disant qu’une femme de quatre-vingt ans à l’identité sexuelle ambiguë et d’une violence inouïe me protégeait. Rassurée de la sorte, qui aurait peur de quelques gamines prépubères, » page 73

 

1Une chambre dans l'appartement de la famille dans l'hôtel..jpg

 

 Ah que j’ai souri à la lecture de ces pages parfois surréalistes et  comme j’ai trouvé cette jeune fille attachante (18 ans seulement au moment de publier ce premier livre !). Je ne me suis pas lassée un instant de cette folle narration que j’ai savourée de bout en bout. Une vraie bouffée d’oxygène !

 

1Le livre est basé sur les journaux Mme Rips a gardé.jpg

 

 



26/03/2017
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