Libre-R et associés : Stéphanie - Plaisir de lire

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Margaux Fragoso : Tigre, Tigre !

Tigre, Tigre ! de Margaux Fragoso  4,5/5 (18-11-2012)

 

Tigre, Tigre ! (407 pages) est le roman témoignage de Margaux Fragoso, publié le 22 août 2012, aux Editions Flammarion.

  

 

Biographie :

Margaux Fragoso est née à Union City dans le New Jersey en 1979. Tigre, tigre ! est son histoire. Il est en cours de publication dans 24 pays. Touchée par la force de ce récit, Marie Darrieussecq en a assuré la traduction.

 

 

L’histoire (éditeur) :

 

Par une belle journée d'été, Margaux Fragoso rencontre Peter Curran à la piscine de son quartier, et ils commencent à jouer. Elle a sept ans; il en a cinquante et un. Quand Peter l'invite chez lui avec sa mère, la petite fille découvre un paradis pour enfant composé d'animaux exotiques et de jeux. Peter endosse alors progressivement, insidieusement, le rôle d'ami, puis de père, et d'amant. Charmeur et manipulateur, Peter s'insinue dans tous les aspects de la vie de Margaux, et transforme l'enfant affectueuse et vive en une adolescente torturée. Lyrique, profond et d'une limpidité hypnotique, Tigre, tigre ! dépeint d'une manière saisissante les forces opposées de l'emprise et de la mémoire, de l'aveu et du déni, et questionne nos capacités de guérison. Un récit extraordinaire qui dévoile de l'intérieur la pensée d'une jeune fille au bord de la chute libre.

 

Mon avis :

 

Si vous faites le choix de rentrer dans Tigre, Tigre ! soyez prêt à vous confronter à un témoignage aussi dérangeant qu’instructif. La pédophilie n’est pas seulement une violence physique faîte à de jeunes enfants, c’est avant tout une manipulation et une torture psychologique qui, comme le souligne très bien Margaux dans sa postface, ne touche pas seulement des enfants de foyers perturbés.

A 7 ans, Margaux Fragoso rencontre Peter lors d’une banale sortie à la piscine municipale. Attentive aux jeux d’un père avec ses garçons, elle accepte l’invitation à venir passer un moment chez eux. C’est le coup de foudre pour leur vie, leur animalerie personnelle et surtout la gentillesse de Peter. Entre un père alcoolique et une mère dépressive et paranoïaque, la vie au sein de sa famille n’est pas facile, alors elle s’invite de plus en plus chez Peter (jamais seule, toujours avec sa mère).

 

Margaux Fragaso décrit brillamment l’évolution de sa relation avec Peter, père de famille de 51 ans. Elle est d’abord simplement bien, loin de son foyer, de son père et de la tension familiale. On sent son bonheur d’être avec Peter, qui la responsabilise en la laissant s’occuper de ses bêtes et qui la pousse à la liberté. Puis peu à peu les jeux débordent un peu avec des chatouilles. On ne verrait presque rien venir… Peter est charismatique, ses beaux discours sur la nudité et le sexe semblent logiques, simples, vrais. Quand, il accueille la jeune Karen, Margaux se sent remplacée et coupable de ne pas être aussi « audacieuse » qu’il le souhaiterait. Tandis que sa relation avec son père se dégrade, Peter la met en avant, lui passe tous ses caprices, lui donne beaucoup d’affection, du plaisir. La jeune Margaux perd doucement pied quand les baisers et les caresses sont de plus en plus insistants. Maitre manipulateur, il dompte l’enfant doucement mais surement, jusqu’à la rendre dépendante et lui faire développer une autre personnalité (Nina, protection qui lui évite la victimisation)…

 

«  « _ J’aime être Nina. » C’était comme si l’avatar de Peter, Monsieur Vilain, dépendait de Nina, et qu’il avait besoin d’elle pour survivre. Les faveurs qu’elle lui accordait le rendaient coupable et du coup, il lui devait à son tour des faveurs. Au bout du compte, la responsabilité reposait sur moi. » page 263

« De plus, j’avais besoin qu’il se sente coupable de m’avoir joui dessus pour qu’ensuite il me câline et me tienne dans ses bras et me remercie. Je savais que notre système de troc n’était pas juste, mais j’y gagnais un peu de l’affection  dont j’avais besoin de la part de Peter, surtout quand Nina n’était plus là. » page 267

« Sans Peter pour me voir, pour m’adorer, comment pourrais-je  exister ? » page 285

« Jamais je ne pourrais trahir la seule personne à prendre vraiment soin de moi. » page 297


Le récit de Margaux Fragoso est superbement écrit, avec beaucoup de délicatesse et de contrastes. Certains écrits (minoritaires) sont crus et vraiment glauques, à la limite du soutenable mais ils font partie intégrante du texte. Elle arrive à faire cohabiter de belles descriptions et des images d’amour avec des moments terrifiants décrits de façon très directe. Sa plume est fluide et bizarrement assez objective.

 

J’ai été bien évidement largement touchée et bouleversée par son histoire qui aura duré 15 ans, et qui doit certainement encore lui peser. Mes sentiments à la lecture de Tigre, Tigre ! étaient partagés entre l’aversion pour elle dans son attitude envers Peter, un envie violente de la gifler et la remettre dans le droit chemin, et la pitié devant une jeune fille qui n’est plus du tout maître d’elle-même.

D’un autre côté, il y a Peter, que j’ai tant voulu détester.  Un personnage (même pas !) secret, intelligent et sournois. (« C’était un homme matriochka, chaque secret était enclos dans un ventre et dans un autre ventre ; c’était un champ de maïs labyrinthique, infini, à travers lequel je courais depuis sept ans maintenant. » page 332). Et enfin, l’entourage, son père et sa mère, ceux qui étaient censés l’aimer et la protéger, qui ont été incapables de remplir leur rôle. Les sentiments à la lecture de Tigre, Tigres ! sont paradoxaux. Margaux pose les faits sans porter de jugement, cherchant simplement à se guérir et se délivrer.

 

« En mettant par écrit mes souvenirs pour ce livre, j’ai travaillé à briser les schémas anciens et profondément enracinés, le cycle  de souffrance et d’abus sous lequel ma famille a ployé génération après génération. (…) Le secret : voilà ce qui a permis au monde de Peter de s’épanouir. Le silence et le déni sont exactement les forces sur lesquelles comptent tous les pédophiles pour que leurs vrais mobiles restent cachés. » page 400

 

Un grand merci à Price Minister pour m’avoir permis cette participation à l’opération des Matchs de la Rentrée littéraire. Vous pouvez retrouver la fiche du livre ici dont ma note est  18/20

 

   

 

 



19/11/2012
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